Section 5
LA TIERCE-OPPOSITION
I/ DÉFINITION
La tierce opposition est une voie de recours « extraordinaire » (CPC, art. 527) ; elle n’est donc ouverte que lorsqu’un texte le prévoit (CPC, art. 580), et elle n’a pas d’effet suspensif de l’exécution de la décision attaquée.
La tierce-opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque.
Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit (art. 582 du code de procédure civile). Cette voie de recours est exceptionnellement exercée en matière prud’homale.
Une nouveauté instaurée par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :
la décision permettant l’inscription à Pôle emploi
Le bureau de conciliation et d’orientation peut désormais également prendre une décision provisoire palliant l’absence de délivrance par l’employeur de l’attestation d’assurance chômage prévue à l’article R. 1234-9.
Sous réserve qu’il ne soit pas déjà partie à l’instance, Pôle emploi peut former tierce opposition contre cette décision dans le délai de deux mois qui suit la notification. Pour le reste, en application de l’article R. 1454-16, cette décision ne pourra être frappée d’appel ou de pourvoi en cassation qu’en même temps que le jugement sur le fond.
Article R1454-14 du code du travail
Le bureau de conciliation et d’orientation peut, en dépit de toute exception de procédure et même si le défendeur ne comparaît pas, ordonner :
1° La délivrance, le cas échéant, sous peine d’astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie et de toute pièce que l’employeur est tenu légalement de délivrer ;
2° Lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable :
a) Le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions ;
b) Le versement de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ;
c) Le versement de l’indemnité compensatrice et de l’indemnité spéciale de licenciement en cas d’inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnées à l’article L. 1226-14 ;
e) Le versement de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8 et de l’indemnité de fin de mission mentionnée à l’article L. 1251-32 ;
3° Toutes mesures d’instruction, même d’office ;
4° Toutes mesures nécessaires à la conservation des preuves ou des objets litigieux.
Au vu des pièces fournies par le salarié, il peut prendre une décision provisoire palliant l’absence de délivrance par l’employeur de l’attestation prévue à l’article R. 1234-9. Cette décision récapitule les éléments du modèle d’attestation prévu à l’article R. 1234-10, permettant au salarié d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2.
Cette décision ne libère pas l’employeur de ses obligations résultant des dispositions des articles R. 1234-9 à R. 1234-12 relatives à l’attestation d’assurance chômage.
Elle est notifiée au Pôle emploi du lieu de domicile du salarié. Tierce opposition peut être formée par Pôle emploi dans le délai de deux mois.
II/ RECEVABILITÉ
Est recevable à former tierce-opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie, ni représentée au jugement qu’elle attaque (art. 583 code de procédure civile).
Cette voie de recours est exceptionnellement exercée en matière prud’homale.
Tout jugement est susceptible de tierce-opposition si la loi n’en dispose autrement (article 585 du code de procédure civile).
La tierce-opposition est formée comme l’opposition (Cf. supra, section 4).
La décision qui fait droit à la tierce-opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant. Le jugement primitif conserve ses effets entre les parties, même sur les chefs annulés (article 59l du code de procédure civile).
● L’Assedic et l’AGS sont recevables à former tierce opposition à un jugement ayant condamné une société mise en liquidation judiciaire à verser diverses sommes représentant des créances salariales (Cass.Soc 02/07/92 – Bull. 92 – V – n̊ 441).
● Celui qui forme une tierce opposition a la qualité de demandeur. Il en résulte qu’il lui appartient non seulement de justifier de sa recevabilité et de son intérêt à agir, mais encore de démontrer en quoi le jugement attaqué doit, en fait comme en droit, être rétracté. A défaut, son recours sera rejeté (Cass. 2e civ., 26 nov. 1965, no 63-11.831, Bull. civ. II, no 954, p. 673 ; Cass. com., 24 nov. 1965, no 63-12.023, Bull. civ. III, no 601, p. 540).
● Il résulte de l’article 583 du Code de procédure civile qu’est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque, et la communauté d’intérêts ne suffit pas à caractériser cette représentation. La lettre adressée par un tiers à l’avocat de l’une des parties pour fournir des explications et demander à être informé du résultat de l’instance ne constitue pas un mandat de représentation et ne caractérise pas la représentation au sens de l’article 583 du Code de procédure civile. (Cass.2ème Civ. – 8 juillet 2004. N̊ 02-14.385. – BICC 609 n̊1827) .
● Un syndicat forme une tierce opposition contre une décision d’un conseil de prud’hommes déboutant une salariée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’action est justement considérée comme irrecevable, le jugement se bornant à dire que la rupture du contrat de travail de la salariée était légalement intervenue pendant la période d’essai ne portait pas préjudice à l’intérêt collectif de l’ensemble de la profession représentée par le syndicat. (Cass. soc., 24 janv. 2006, n̊ 03-44.068, n̊ 167 F-D Jurisp.Soc.Lamy n̊ 184).
III / EFFETS
● En vertu des articles 582 et 591 du Code de procédure civile, la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque. La décision qui fait droit à la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant. Le jugement primitif conserve ses effets entre les parties même sur les chefs annulés (pourvoi n̊ M 96-17.230 c/ CA Versailles, 29 mars 1996 Cass. 2e civ., 18 mars 1998 ; Theobald c/ Berreur et a. : Juris-Data n̊ 001271.JCP 1998 / n̊ 20 / IV/ 2087).
IV / TEXTES APPLICABLES
La tierce-opposition est régie par les articles 582 à 592 du code de procédure civile.
Depuis le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, elle est également régie par le dernier alinéa de l’article R. 1454-14 qui dispose <<Elle est notifiée au Pôle emploi du lieu de domicile du salarié. Tierce opposition peut être formée par Pôle emploi dans le délai de deux mois.>>