MPPP.Ch.8S.1- PARITÉ

Section 1

 

LA PARITÉ AU CONSEIL DE PRUD’HOMMES

Le principe de la parité fonde l’équilibre de la juridiction prud’homale puisqu’on la trouve tant au niveau des élections que dans toutes ses structures administratives et juridictionnelles.

Pour éviter des situations de blocage, le législateur a prévu le recours à la départition pour qu’une majorité puisse toujours se dégager pour trancher un litige.

Rappel historique

Le premier conseil de prud’hommes se composait de 5 patrons et de 4 ouvriers.

Le décret du 27 mai 1848 a établi l’égalité en nombre des deux éléments qui composaient le conseil de prud’hommes. Il donnait aux conseillers ouvriers les mêmes droits qu’à leurs collègues patrons.

La loi du 1er juin 1853 a annulé le décret du 27 mai 1848.

La loi du 15 juillet 1905 a substitué au nombre impair le nombre pair de juges pour composer le bureau de jugement et elle a instauré la départition.

A / La présentation des candidats par les syndicats aux élections prud’homales devait respecter le principe de parité de la juridiction prud’homale
● La présentation de listes à la fois dans le collège employeur et dans le collège salarié aux élections prud’homales par une organisation syndicale de travailleurs non salariés est de nature à entraîner une confusion sur 1’appartenance des candidats à l’un ou l’autre de ces collèges, portant ainsi atteinte au principe de parité de la juridiction prud’ homale. (Cass. 2ème Civ. 07/05/03, M. Beauseigneur c/ M. Cava et a., pourvoi n̊ J 02-60.920, arrêt n̊ 578 FP-P+B: Juris-Data n̊ 2003-018960 Travail et Protection sociale – Éditions du Juris-Classeur Juillet 2003 p. 25).
Arrêt de la 2ème chambre civile de la cour de cassation en date du 7 mai 2003
Sur le second moyen:
Attendu, selon le jugement attaqué (TI Grasse, 15 nov. 2002), que Mme Conti et MM. Cava, Tarsiguel et Pellotieri ont contesté la recevabilité de la liste CIDUNATI présentée dans la section activités diverses du collège salarié pour les élections au conseil de prud’hommes de Grasse;
Attendu que M. Beauseigneur fait grief au jugement d’avoir déclaré cette liste irrecevable, alors, selon le moyen, qu’en dehors des cas expressément énumérés par la loi, tout parti politique ou toute organisation professionnelle sans distinction peut présenter une liste de candidats, quelque soit le collège ; que le principe de parité entre employeur et salarié, énoncé par les articles L. 511-1, alinéa 1 et L. 512-2 du Code du travail, ne vise en aucune façon le parti politique ou l’organisation syndicale présentant une liste de candidats à l’élection prud’homale ; que l’impartialité visée par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est générale et objective et porte sur la juridiction elle-même, en l’espèce le conseil de prud’hommes, et qu’en aucun cas ce texte n’interdit à une organisation syndicale de travailleurs indépendants de présenter une liste de candidats salariés à des élections prud’homales ; qu’il s’ensuit qu’en statuant comme il l’a fait, le Tribunal a violé les articles L. 513-3-1 du Code du travail et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
Mais attendu qu’après avoir relevé que, selon les statuts du CIDUNATI versés aux débats, cette organisation syndicale regroupe les travailleurs non salariés et les entreprises à capitaux personnels, et constaté que le CIDUNATI avait présenté, pour l’élection au conseil de prud’hommes de Grasse, une liste dans le collège employeur et une liste dans le collège salarié, le jugement retient que la présentation de listes dans les deux collèges est de nature à entraîner une confusion sur la véritable appartenance des candidats à l’un ou l’autre de ces collèges, cette appartenance devant être clairement déterminée;
Que par ces constatations et énonciations qui caractérisent une atteinte au principe de la parité de la juridiction prud’homale, le tribunal a légalement justifié sa décision;
Et attendu qu’il n’y apas lieu de statuer sur le premir moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi;
Par Ces Motifs: Rejette.
(Cass. 2ème Civ. 07/05/03, M. Beauseigneur c/ M. Cava et a., pourvoi n̊ J 02-60.920, arrêt n̊ 578 FP-P+B: Juris-Data n̊ 2003-018960 Travail et Protection sociale – Éditions du Juris-Classeur Juillet 2003 p. 25 & Cah.Prud’homaux. n̊ 6 de 2003 p.77).

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B/ Parité dans les structures du conseil de prud’hommes

Chaque conseil de prud’hommes comprend un nombre égal de conseillers employeurs et de conseillers salariés.

Chaque section du conseil de prud’hommes comprend un nombre égal de conseillers employeurs et de conseillers salariés.

Chaque formation juridictionnelle (bureau de conciliation, bureau de jugement, formation de référé) se compose d’un nombre égal de conseiller(s) employeur(s) et de conseiller(s) salarié(s).

C / Textes

La parité est définie par les articles suivants:

Article L1421-1  du code du travail

Le conseil de prud’hommes est une juridiction paritaire.

Il est composé, ainsi que ses différentes formations, d’un nombre égal de salariés et d’employeurs.

Article L1411-1 du code du travail

Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.

Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.

Article L1411-6  du code du travail

Lorsqu’un organisme se substitue habituellement aux obligations légales de l’employeur, il peut être mis en cause aux côtés de celui-ci en cas de litige entre l’employeur et les salariés qu’il emploie.

Article L1423-12 du code du travail

Le bureau de jugement se compose de deux conseillers prud’hommes employeurs et de deux conseillers prud’hommes salariés, incluant le président ou le vice-président siégeant alternativement.

Article L1423-13 du code du travail

Le bureau de conciliation et d’orientation, la formation de référé et le bureau de jugement dans sa composition restreinte se composent d’un conseiller prud’homme employeur et d’un conseiller prud’homme salarié.

Article R1454-7  du code du travail

Le règlement intérieur établit un roulement au sein du bureau de conciliation et d’orientation entre tous les conseillers prud’hommes salariés et employeurs. Il peut prévoir l’affectation de certains conseillers prud’hommes par priorité à ce bureau.

La présidence appartient alternativement au salarié et à l’employeur, suivant un roulement établi par ce règlement. Celui des deux qui préside le bureau le premier est désigné par le sort.

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Autrefois il existait une exception :Exceptionnellement, et dans les cas prévus à l’article L. 1441-38, les deux membres du bureau pouvaient être pris parmi les conseillers prud’hommes salariés ou parmi les conseillers prud’hommes employeurs si la section ne se trouvait composée que d’un seul collège.

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D / Audiences de conciliation de jugement et de référé

Dans sa formation ordinaire, le bureau de jugement se compose de 4 conseillers (2 employeurs et 2 salariés).

Dans sa formation restreinte le bureau de jugement se compose de 2 conseillers (1 employeur et 1 salarié).

Autrefois le nombre de conseillers pouvait être augmenté à condition de respecter la parité.

Le bureau de conciliation et d’orientation, la formation de référé et le bureau de jugement dans sa composition restreinte se composent d’un conseiller prud’homme employeur et d’un conseiller prud’homme salarié.

Référistes et parité 

L’article L1423-13 du code du travail pose le principe de la parité pour la formation de référé: elle se compose d’un conseiller employeur et d’un conseiller salarié. Il s’agit de la parité exigée aux audiences.

Le nombre de conseillers élus pour tenir les audiences de référé peut être différent entre les collèges (exemple : 8 salariés pour 6 employeurs).

E / Exceptions

Exceptions abrogées par la loi N̊2002-73 du 17/01/02:
L’ancien article L.513-8 du code du travail prévoyait une exception. Il énonçait: « S’il y a lieu de procéder à des élections complémentaires, soit parce que les premières élections n’ont pas permis de constituer ou de compléter la section, soit parce qu’un ou plusieurs conseillers prud’hommes élus ont refusé de se faire installer, ont démissionné ou ont été déclaré démissionnaires et si l’une de ces éventualités se produit, il n’est pourvu aux vacances qu’il en résultent que lors du prochain renouvellement.
La section fonctionne quelle que soit la qualité des membres régulièrement élus ou en exercice, pourvu que leur nombre soit au moins égal à la moitié du nombre total des membres dont elle dit être composée ».
Audience de conciliation :
Exceptionnellement et dans les cas prévus à l’article L.513.8 les deux membres composant le bureau (de conciliation) peuvent être pris parmi les prud’hommes salariés ou parmi les prud’hommes employeurs si la section ne se trouve composée que d’un seul collège. (Art. R.515.1 alinéa 4 du code du travail).
Audience de jugement:
Exceptionnellement et dans les cas prévus à l’article L.513.8 du code du travail, le bureau de jugement peut valablement délibérer avec un nombre de conseillers pair ou au moins égal à quatre, alors même qu’il ne serait pas formé d’un nombre égal de salariés et d’employeurs. (Art. R.515.3 du code du travail).

La Loi N°2002-73 du 17/01/02 a modifié l’article L. 513-8 du code du travail qui imposait en toutes circonstances la parité.

L’Article L1441-38  du code du travail (Abrogé par Ordonnance n°2016-388 du 31 mars 2016 – art. 19 disposait:

Il n’est pourvu aux vacances qu’à l’occasion du prochain scrutin général s’il a déjà été procédé à une élection complémentaire, sauf dans le cas où il a été procédé à une augmentation des effectifs.
La section fonctionne dès lors que le nombre de ses membres est au moins égal à la moitié du nombre total de ceux dont elle est composée et à condition que la composition paritaire des différentes formations appelées à connaître des affaires soit respectée.
L’exception au principe de la parité dans ces cas exceptionnels avait été votée par le parlement le 10 décembre 1884. Elle avait été adoptée à la suite de démissions collectives d’employeurs qui visaient à paralyser les juridictions prud ‘homales.
Cette exception avait été constamment maintenue lors des réformes de la juridiction. Jusqu’en 2002. Elle constituait la sanction la mieux adaptée aux démissions collectives ou aux absences de candidatures aux élections, puisqu’elle n’ avait été que très rarement utilisée.
 
Application jurisprudentielle
 ● La cour de cassation dans son arrêt du 26 juin 1986 (Cass. Soc. 26 juin 1986, Rosselet/Klai – Bull. 86 – V – n̊ 341) a considéré qu’ une section du conseil de prud’hommes, composée exclusivement de conseillers salariés en raison du manque de candidats au collège employeur de la section agriculture lors du scrutin ayant précédé le prononcé de la décision, avait légalement fonctionné en application de l’article L.515.8 du code du travail.
Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 26 juin 1986
Sur le moyen unique, pris de la violation de l’article L. 512-1 du Code du travail :
Attendu que M. Rosselet fait grief au jugement attaqué d’avoir été rendu par une section du Conseil de prud’hommes composée exclusivement de conseillers salariés alors que la juridiction prud’homale doit avoir une composition paritaire ;
Mais attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que cette juridiction était ainsi composée faute de candidats au collège employeurs de la section de l’agriculture lors du scrutin ayant précédé le prononcé de la décision ; qu’il en résulte qu’en application de l’article L. 513-8 du Code du travail, cette section a légalement fonctionné ; que le moyen n’est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
N̊ 83-44.866. M. Rosselet contre M. Klai. (Cass.Soc 26/06/86 – Bull. 86 – V – n̊ 341)

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F / Le président d’audience n’a pas voix prépondérante

Le président veille à l’ordre de l’audience tout ce qu’il ordonne doit être immédiatement exécuté.

Il ne dispose pas de voix prépondérante pendant le délibéré.

Il dirige les débats.

Il motive les décisions (ou désigne à cet effet un assesseur).

Il signe les minutes et le registre d’audience.

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G / La nullité sanctionne la violation de la parité

● Encourt la cassation le jugement prud’homal rendu par un bureau de jugement composé lors des débats et du délibéré de deux conseillers employeurs dont le président et d’un seul conseiller salarié. (Cass.Soc 28/02/96 – Cahiers Prud’homaux n̊ 9 de . 1996 p 137).

Arrêt de la Chambre sociale de la cour de cassation du 28 février 1996
LA COUR
Sur le moyen unique :
Vu l’article L. 515-2 du code du travail .
Attendu qu’en vertu de ce texte, le bureau de jugement compose d’un nombre égal d’employeurs et de salariés, y compris le président ou le vice-président siégeant alternativement ; que ce nombre est au moins de deux employeurs et de deux salariés ;
Attendu qu’il résulte des mentions du jugement attaqué que bureau de jugement qui l’a rendu était composé, lors des débats et du délibéré, de deux conseillers employeurs dont le président et d’un conseiller salarié;
Qu’en statuant dans cette composition le Conseil de Prud’hommes a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 20 janvier 1993, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Créteil.
M. Damache c/ Sté Gas (Cass.Soc 28/02/96 – Cahiers Prud’homaux n̊ 9 de . 1996 p 137).

La parité et le départage sont le gage de l’impartialité des conseillers

●Le respect de l’exigence d’impartialité, imposé tant par les règles de droit interne que par l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est assuré, en matière prud’homale, par la composition même des conseils de prud’hommes, qui comprennent un nombre égal de salariés et d’employeurs élus, par la prohibition d’ordre public de tout mandat impératif, par la faculté de recourir à un juge départiteur extérieur aux membres élus et par la possibilité, selon les cas, d’interjeter appel ou de former un pourvoi en cassation.

Dès lors, la circonstance qu’un ou plusieurs membres d’un conseil de prud’hommes appartiennent à la même organisation syndicale que l’une des parties au procès n’est pas de nature à affecter l’équilibre d’intérêts inhérent au fonctionnement de la juridiction prud’homale ou à mettre en cause l’impartialité de ses membres. (Cass. Soc, 19 déc. 2003, n̊ 01-16.956 D et 02-41.429 – Légifrance & Sem. Soc. Lamy n̊1150 p.12).

Arrêt de la Chambre sociale de la cour de cassation du vendredi 19 décembre 2003
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X…, délégué syndical au sein de la société Mon Logis, a demandé l’annulation judiciaire de la sanction disciplinaire prononcée par son employeur et le paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral en raison de son appartenance à une organisation syndicale, laquelle est intervenue à l’instance en invoquant une entrave à l’exercice du droit syndical dans l’entreprise ; que l’employeur a demandé la récusation de deux conseillers prud’hommes affiliés à la même confédération syndicale ;
Attendu que la société Mon Logis fait grief à l’arrêt attaqué (Dijon, 25 octobre 2001) d’avoir rejeté la demande de récusation alors, selon le moyen :
1 ) que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; que cette exigence d’impartialité n’est pas nécessairement épuisée par l’article 341 du nouveau Code de procédure civile, auquel renvoie l’article R. 518-1 du Code du travail, lequel ne prévoit que huit hypothèses de récusation, et notamment le cas où un conseiller prud’homme est personnellement intéressé à la contestation ; qu’en déboutant la société Mon Logis de sa demande de récusation de deux conseillers prud’hommes affiliés à la CFDT, syndicat partie à l’instance, au motif que cette affiliation ne constituait pas un « intérêt personnel à la contestation » au sens de ce dernier texte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
2 ) qu’en décidant, par voie de disposition abstraite et générale, sans la moindre référence aux données concrètes du litige dont elle était saisie, que « la condition d’impartialité visée par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas affectée par l’appartenance syndicale des membres du conseil de prud’hommes, peu important que leur organisation syndicale intervienne à la procédure », la cour d’appel a violé l’article 5 du Code civil ;
3 ) qu’en toute hypothèse, la demande de récusation est recevable dès lors qu’existent des éléments de nature à faire naître, dans l’esprit du justiciable, des doutes sérieux sur l’indépendance et l’impartialité de la juridiction ; qu’en l’espèce, le syndicat CFDT avait justifié son intervention dans l’instance prud’homale, au soutien de la procédure pour « harcèlement moral » de M. X…, par le moyen pris de ce que « la multiplication des sanctions et autres mesures dont fait l’objet M. X… en raison de l’exercice de ses différents mandats et notamment de son mandat de délégué syndical CFDT traduisent la volonté de son employeur, la société Mon Logis, de réduire à néant la représentation syndicale dans l’entreprise » ; que le syndicat intervenant avait accusé la société Mon Logis d’entrave à l’exercice du droit syndical ; qu’en l’état de telles conclusions, l’appartenance de deux conseillers prud’homaux à ce même syndicat était de nature à faire naître dans l’esprit de la société Mon Logis un doute sérieux quant à l’impartialité de la juridiction chargée de trancher un litige pris d’une entrave aux droits du syndicat auquel ils appartenaient ; qu’en énonçant, par voie de pure affirmation générale, que la « condition d’impartialité n’était pas affectée par l’appartenance syndicale des membres du conseil de prud’hommes, peu important que leur syndicat intervienne dans la procédure », la cour d’appel a violé l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que le respect de l’exigence d’impartialité, imposé tant par les règles de droit interne que par l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est assuré, en matière prud’homale, par la composition même des conseils de prud’hommes, qui comprennent un nombre égal de salariés et d’employeurs élus, par la prohibition d’ordre public de tout mandat impératif, par la faculté de recourir à un juge départiteur extérieur aux membres élus et par la possibilité, selon les cas, d’interjeter appel ou de former un pourvoi en cassation ; qu’il en résulte que la circonstance qu’un ou plusieurs membres d’un conseil de prud’hommes appartiennent à la même organisation syndicale que l’une des parties au procès n’est pas de nature à affecter l’équilibre d’intérêts inhérent au fonctionnement de la juridiction prud’homale ou à mettre en cause l’impartialité de ses membres ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société d’HLM Mon Logis aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille trois.
N̊ de pourvoi: 01-16956 Décision attaquée : cour d’appel de Dijon (chambre sociale prud’hommes) du 25 octobre 2001
Arrêt de la Chambre sociale de la cour de cassation 19 décembre 2003
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu que M. X…, conseiller prud’hommes et délégué syndical au sein de la société Mon Logis, s’est vu refuser un congé pour participer à une formation prud’homale ; qu’il a demandé l’annulation judiciaire de cette décision de refus et le paiement par provision de dommages-intérêts ; que l’employeur a demandé le renvoi de l’affaire pour cause de suspicion légitime de la juridiction au motif que deux conseillers prud’hommes étaient affiliés à la même confédération syndicale que celle à laquelle adhère le salarié ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Mon Logis fait grief à l’arrêt attaqué (Dijon, 15 janvier 2002) d’avoir rejeté sa demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, alors, selon le moyen, que ne constitue pas une mesure d’administration judiciaire, mais une véritable décision juridictionnelle l’ordonnance motivée prise, en application de l’article 359 du nouveau Code de procédure civile, par le président d’une juridiction qui, s’opposant à une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, transmet l’affaire au président de la juridiction immédiatement supérieure ; que cette décision doit alors être communiquée au demandeur en suspicion légitime afin de lui permettre d’en connaître les motifs et de les réfuter ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel, qui a privé la société Mon Logis du droit à un procès équitable, a violé l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que, s’il est exact que l’ordonnance de transmission de l’affaire au président de la juridiction supérieure n’est pas une mesure d’administration judiciaire, il ressort des énonciations de l’arrêt que les parties en ont eu connaissance en temps utile ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Mon Logis fait encore grief à l’arrêt d’avoir statué comme il l’a fait, alors, selon le moyen :
1 / que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; que cette exigence d’impartialité n’est pas nécessairement épuisée par l’article L. 518-1 du Code du travail, lequel ne prévoit que cinq hypothèses de récusation, et notamment le cas où un conseiller prud’homme est personnellement intéressé à la contestation, étant précisé que l’appartenance syndicale ne constitue pas cet intérêt personnel ; qu’en déboutant la société Mon Logis de sa demande de renvoi pour suspicion légitime motivée par l’appartenance de deux conseillers prud’homaux à la CFDT, syndicat auquel était affilié M. X… et avec qui elle était en conflit ouvert depuis plusieurs années, au motif que cette affiliation ne « pouvait être retenue » au regard des dispositions de ce texte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
2 / qu’en décidant, par voie de disposition abstraite et générale, sans la moindre référence aux données concrètes du litige dont elle était saisie, qu' »il ne résultait pas de ces éléments de preuve… d’une violation de la condition d’impartialité visée à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme », la cour d’appel a violé l’article 5 du Code civil ;
3 / qu’en toute hypothèse, la demande de renvoi pour suspicion légitime est recevable dès lors qu’existent des éléments de nature à faire naître, dans l’esprit du justiciable, des doutes sérieux sur l’indépendance et l’impartialité de la juridiction; qu’en l’espèce, le syndicat CFDT, auquel appartenait M. X… et les conseillers siégeant dans la formation de référés, était depuis plusieurs années en conflit ouvert au public avec l’employeur et avait justifié son intervention récente dans une autre instance prud’homale, au soutien de la procédure pour « harcèlement moral » intentée par ce même M. X…, par le moyen pris de ce que « la multiplication des sanctions et autres mesures dont fait l’objet Michel X… en raison de l’exercice de ses différents mandats et notamment de son mandat de délégué syndical CFDT traduisent la volonté… de son employeur, la société Mon Logis, de réduire à néant la représentation syndicale dans l’entreprise » ; que le syndicat avait accusé la société Mon Logis « d’entrave à l’exercice du droit syndical » ; qu’en l’état d’un tel conflit, l’appartenance de deux conseillers prud’homaux à ce même syndicat était de nature à faire naître dans l’esprit de la société Mon Logis un doute sérieux quant à l’impartialité de la juridiction chargée de trancher un litige pris d’une entrave aux droits du syndicat auquel ils appartenaient ; qu’en énonçant, par voie de pure affirmation générale, que « la preuve d’une violation de la condition d’impartialité n’était pas rapportée », la cour d’appel a violé l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que le respect de l’exigence d’impartialité, imposé tant par les règles de droit interne que par l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est assuré, en matière prud’homale, par la composition même des conseils de prud’hommes, qui comprennent un nombre égal de salariés et d’employeurs élus, par la prohibition d’ordre public de tout mandat impératif, par la faculté de recourir à un juge départiteur extérieur aux membres élus et par la possibilité, selon les cas, d’interjeter appel ou de former un pourvoi en cassation ; qu’il en résulte que la circonstance qu’un ou plusieurs membres d’un conseil de prud’hommes appartiennent à la même organisation syndicale que l’une des parties au procès n’est pas de nature à affecter l’équilibre d’intérêts inhérent au fonctionnement de la juridiction prud’homale ou à mettre en cause l’impartialité de ses membres ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mon Logis aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille trois.
N̊ de pourvoi: 02-41429 Publication : Bulletin 2003 V N̊ 321 p. 323
Décision attaquée : Cour d’appel de Dijon, du 15 janvier 2002

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