MPPP.Ch.7.S.12

 

Section 12

 

LES FRAIS DE L’ARTICLE 700 DU CPC ET

DE L’ARTICLE 37 DE LA LOI DU 10JUILLET 1991

 

I / DÉFINITION

En vertu du principe de gratuité de la justice celui qui a gain de cause ne devrait pas supporter l’intégralité des frais qu’il a exposés. C’est ce qui justifie la condamnation aux dépens de la partie perdante . Toutefois, les dépens ne reprennent pas l’intégralité des sommes exposées par les plaideurs, notamment les honoraires de l’avocat, qui correspondent à une prestation non tarifée et non obligatoire.

L’article 700 du code de procédure civile permet de faire payer des frais non compris dans les dépens.

Article 700

Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s’il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat.

 

II / NATURE INDEMNITAIRE

Ce ne sont pas les honoraires de l’avocat que supporte la partie condamnée, mais une indemnité forfaitaire qui doit intégrer les autres frais que la partie gagnante a exposés (frais de transport pour les besoins du procès, expertise amiable etc…).

la demande au titre de l’article 700 doit être réalisée en respectant les formes de toute demande incidente

● La condamnation au paiement des frais irrépétibles suit le régime juridique de la condamnation aux dépens. Elle ne peut bénéficier de l’exécution provisoire (CA Lyon, 3 mars 1981 : JCP 1981GII, 19649, note J.A. – Cass. 1re civ., 23 janv. 1985 : Gaz. Pal. 1985, 1, pan. jurispr., p. 124, obs. Guinchard).

Quatre conditions doivent être remplies :

– l’existence d’une instance

– la succombance de l’une des parties

– l’existence de frais non inclus dans les dépens, supportés par l’autre partie

– la demande de condamnation au titre de l’article 700.

Existence d’une instance

La portée de l’article 700 est très générale et concerne toutes les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale, rurale ou prud’homale, par application de l’article 749 du Code de procédure civile.

 

Le fait qu’une procédure soit prévue sans frais ne fait pas obstacle à l’application de l’article 700.

● Le juge des référés peut aussi accorder une telle indemnité, non à titre provisionnel, mais à titre définitif, de la même façon qu’il peut statuer définitivement sur les dépens (Cass. 3e civ., 19 nov. 1980 : Bull. civ. III, n° 183 ; Gaz. Pal. 1981, 1, somm. p. 102 ; D. 1981, inf. rap. p. 372, note Julien; JCP 1981GIV, 51 ; RTD civ. 1981, p. 680, obs. Normand). Le juge du fond n’a donc pas à réviser la condamnation prononcée par le juge des référés (CA Versailles, 30 sept. 1994 : Juris-Data n° 045532).

 

Succombance de l’une des parties

– Le remboursement des frais irrépétibles intervient logiquement en parallèle avec les dépens de procédure. C’est la raison pour laquelle le texte impose que la partie condamnée soit « la partie tenue aux dépens ».

● Il s’ensuit que la partie qui n’a en aucune façon à supporter les dépens ne peut être condamnée au remboursement des frais irrépétibles (Cass. 2e civ., 3 janv. 1980 : Gaz. Pal. 1980, 1, p. 267, note J.V. ; D. 1981, inf. rap. p. 272, obs. Julien. – Cass. 3e civ., 27 févr. 1985 : JCP1985GIV, 168; Bull. civ. III, n° 41).

Réciproquement, la partie qui doit supporter l’intégralité des dépens ne peut demander d’indemnité pour frais irrépétibles.

● En revanche, comme en matière de dépens, la succombance partielle d’une des parties rend au juge toute sa liberté pour statuer. Dès l’instant que les dépens ont été partagés, l’une ou l’autre partie peut être condamnée (Cass. 2e civ., 15 févr. 1984 : JCP1984GIV, 128 ; Gaz. Pal. 1984, 2, pan. jurispr., p. 204, note Guinchard ; Bull. civ. II, n° 28. – 20 juin 1984 : Gaz. Pal. 1984, 2, pan. jurispr., p. 297 ; JCP1984GIV, 278 ; Bull. civ. II, n° 111).

Lorsqu’aucune condamnation aux dépens ne peut intervenir, l’article 700 conserve vocation à s’appliquer.

Existence de frais non inclus dans les dépens

– Il s’agit normalement de dépenses non reprises dans les dépens

● Ces frais comprennent évidemment les honoraires d’avocat (Cass. soc., 21 févr. 1979 : D. 1979, inf. rap. p. 425, obs. Pélissier ; JCP1981GII, 19525, note Hertzog). Mais d’autres frais peuvent être retenus, ainsi :

– les frais de déplacement, de voyage et de séjour (TGI Paris, 2 nov. 1976 : JCP1976GII, 18696)

 

Demande de condamnation au titre de l’article 700

● À la différence des dépens, le juge n’est pas obligé de statuer sur les frais irrépétibles, il faut qu’il soit saisi d’une demande en ce sens (Cass. 3e civ., 5 avr. 1978 : Bull. civ. III, n° 151 ; JCP 1978GIV, 186. – 8 déc. 1981 : Gaz. Pal. 1982, 1, pan. jurispr. p. 56 ; RTD civ. 1983, p. 183, obs. Normand). Cette demande est, on l’a vu en théorie distincte de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

● La demande doit respecter les règles de forme et de délais applicables aux demandes incidentes. Le délai des articles 982 et 991 du Code de procédure civile lui est applicable (Cass. soc. 9 mars 1993 : Gaz. Pal. 1993, 2, pan. jurispr. p. 282 ; Bull. civ. V, n° 83. – Cass. 3e civ. 13 nov. 1986 : Bull. civ. III, n° 159. – Cass. com., 28 avr. 1987 : Bull. civ. IV, n° 94).

● La demande doit être portée à la connaissance de la partie défaillante dans la forme prévue à l’article 68 du Code de procédure civile (Cass. soc., 9 juill. 1985 : Bull. civ. V, n° 420).

● En cas de désistement, une demande formée au titre de l’article 700 par la partie adverse ne fait pas obstacle au désistement. Mais réciproquement le désistement ne fait pas obstacle à une demande reconventionnelle en paiement des frais irrépétibles. Si la demande principale est irrecevable, la demande fondée sur l’article 700 contre le même adversaire est à son tour irrecevable (Cass. 3e civ., 4 janv. 1985 : Bull. civ. III, n° 3).

● Encourt la cassation le jugement de Conseil de Prud’hommes ayant alloué au demandeur une somme au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile alors que l’intéressé ne s’était borné qu’à réclamer une indemnité de congés payés. (Cass.Soc. 26/02/92 – Cah.Prud’homaux. n°5 – 1992 – p.76).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 26 février 1992
LA COUR:
Sur le moyen unique:
Vu les articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile;
Attendu qu’en allouant à Mme Raynal une certaine somme au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile alors qu’aucune demande n’avait été présentée de ce chef par l’intéressée qui s’était bornée à réclamer le paiement d’une indemnité de congés payés, le jugement attaqué a violé les textes susvisés;
PAR CES MOTIFS:
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, dans sa disposition ayant alloué une certaine somme à Mme Raynal au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, le jugement rendu le 10 juillet1991 , entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Dôle.
M. MASSON c/ Mme RAYNAL (Cass.Soc. 26/02/92 – Cah.Prud’homaux. n°5 – 1992 – p.76).

 

La demande de remboursement des frais d’huissier entre dans les frais irrépétibles

● Les frais d’huissiers sont des frais non compris dans les dépens et ne constituent donc pas un préjudice réparable. Ils ne peuvent donc être remboursés que sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile (Cass.Soc.16/09/09 n°07-45725).

Arrêt de la Chambre sociale de la cour de cassation du mercredi 16 septembre 2009
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé en qualité de spécialiste entretien par la société Idex et compagnie, aux droits de laquelle se trouve la société Idex Energies, le 18 août 1988 ; que, muté avec son accord, en application de la clause de mobilité figurant à son contrat de travail, sur le site Eurocopter à compter du 1er juin 2004, il occupait la fonction de contremaître principal ; que, par lettre du 17 septembre 2004 lui notifiant une mise à pied conservatoire, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 28 septembre 2004 ; que, par lettre du 25 octobre 2004, l’employeur lui a notifié qu’il n’entendait pas donner suite au projet de licenciement pour faute grave, a annulé les conséquences de la mise à pied conservatoire et décidé de l’affecter sur un autre site ; que le salarié s’est opposé à cette mutation et a saisi la juridiction prud’homale le 19 novembre 2004 en résiliation judiciaire du contrat de travail, puis a pris acte de la rupture par lettre du 22 novembre 2004 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt d’avoir dit que la prise d’acte produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’avoir condamné à payer à M. X… diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ que l’insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute ; qu’en qualifiant de sanction disciplinaire la mutation décidée par l’employeur en application de la clause de mobilité, cependant qu’elle constatait que cette mesure était expressément motivée par des « défaillances dans la gestion des contrats dont il avait la responsabilité », ce qui ne constitue pas un motif disciplinaire mais une insuffisance professionnelle, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 122-14-3 et L. 122-40 du code du travail;
2°/ qu’il en va d’autant plus ainsi qu’en estimant qu’il résultait des termes de la lettre de l’employeur en date du 25 octobre 2004 que l’employeur avait entendu sanctionner le salarié, quand cette lettre mentionnait uniquement l’incapacité du salarié à gérer les équipes placées sous sa subordination, la cour d’appel a dénaturé ce document, violant ainsi l’article 1134 du code civil ;
3°/ que l’entretien préalable a pour objet de permettre au salarié de fournir ses explications sur les faits qui lui sont reprochés, de sorte que rien n’interdit à l’employeur, après avoir dans un premier temps convoqué le salarié pour un entretien préalable à son éventuel licenciement pour faute grave, d’estimer à la lumière des explications fournies par le salarié que celui-ci n’avait pas commis de faute ; que dès lors en considérant que la décision de mutation prise par l’employeur revêtait nécessairement un caractère disciplinaire pour la seule raison qu’une sanction disciplinaire avait été initialement envisagée, la cour d’appel a statué d’après un motif inopérant, violant ainsi, pour cette raison supplémentaire, les articles L. 122-14, L. 122-14-3 et L. 122-40 du code du travail ;
4°/ qu’en matière contractuelle, la bonne foi est présumée ; qu’à partir du moment où la société Idex avait expressément indiqué qu’elle renonçait à sanctionner le salarié et qu’elle annulait les effets de la mise à pied conservatoire, elle se retrouvait en situation de faire usage de son pouvoir de direction ; qu’en déduisant l’usage abusif de la clause de mobilité du seul fait qu’elle avait été précédée d’une procédure disciplinaire, la cour d’appel a méconnu la présomption susvisée et a violé les articles L. 120-4, L. 121-1 du code du travail et 2268 du code civil ;
5°/ que le changement d’affectation du salarié dans une même zone géographique constitue une modification des conditions de travail que l’intéressé ne peut pas refuser, ce dont il résulte que le salarié n’était pas fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail à raison d’une simple modification de son contrat de travail (?) quelle que soit son origine ; que dès lors, à défaut d’avoir précisé, comme elle en avait le devoir, si la mutation litigieuse s’analysait en une modification du contrat ou une modification des conditions de travail, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et, partant, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 121-1, L. 122-4 et L. 122-14-3 du code du travail ;
6°/ subsidiairement, que le changement d’affectation du salarié dans une même zone géographique constitue une modification des conditions de travail que l’intéressé ne peut pas refuser ; qu’en admettant même que la mutation de M. X… ait présenté un caractère disciplinaire, ce dernier, s’il l’estimait injustifiée, pouvait saisir le conseil de prud’hommes d’une demande d’annulation ; qu’en considérant que M. X… était fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail cependant que la décision de l’employeur avait seulement pour effet de modifier les conditions du contrat de travail, la cour d’appel a violé les articles L. 121-1, L. 122-14-3, L. 122-40 et L. 122-43 du code du travail ;
7°/ toujours subsidiairement, qu’à supposer même que les juges du fond aient pu retenir la qualification de sanction disciplinaire, ils ne pouvaient en déduire que la prise d’acte de la rupture par le salarié était justifiée sans examiner au préalable si la sanction décidée par l’employeur était elle-même injustifiée ; qu’en se bornant à affirmer que les motifs de la réaffectation du salarié étaient « invérifiables », cependant que l’employeur avait justifié sa décision par des motifs précis dont il lui appartenait de vérifiers’ils pouvaient justifier la décision qualifiée de sanction par les juges, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-14- 3, L. 122-40 et suivants du code du travail, ensemble l’article 1184 du code civil ;
8°/ qu’en estimant que la mesure décidée par l’employeur, toujours à supposer admise la qualification de sanction disciplinaire, l’avait été en s’affranchissant de toute procédure disciplinaire, cependant qu’elle constatait que la société Idex avait, au préalable, régulièrement convoqué le salarié pour un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave et qu’elle lui avait ensuite notifié par écrit sa décision et les motifs sur lesquels elle reposait, la cour d’appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l’article L. 122-41 du code du travail ;
Mais attendu d’abord qu’ayant relevé que la mutation du salarié sur un autre site était motivée par ses défaillances dans la gestion des contrats dont il avait la responsabilité et sur la base desquelles l’employeur avait d’abord initié une procédure de licenciement pour faute grave du salarié, la cour d’appel en a justement déduit qu’elle avait ainsi un caractère disciplinaire ;
Et attendu, ensuite qu’ayant constaté que l’employeur s’était abstenu de toute procédure disciplinaire et que les faits allégués à l’encontre du salarié étaient invérifiables, elle a pu décider qu’il avait fait un usage abusif de la clause contractuelle de mobilité en sorte que la prise d’acte de la rupture par le salarié produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen :
Vu l’article 699 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la société Idex à payer à M. X… une somme au titre des frais d’huissier, l’arrêt retient que pour garantir ses droits M. Frédéric X… a été contraint de faire constater par huissier le 15 novembre 2004 que l’employeur n’entendait pas le réintégrer dans son poste et a exposé de ce fait des frais d’huissier à hauteur de 250 euros dont le remboursement incombera à la société Idex et Cie ;
Qu’en statuant ainsi, alors que les frais non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne la demande en paiement d’une somme à titre de remboursement de frais d’huissier, l’arrêt rendu le 30 octobre 2007, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille neuf. N° de pourvoi: 07-45725 .

 

La réparation de la faute résultant de la résistance abusive ne constitue pas des frais irrépétibles

 

● L ‘article 700 du Code de Procédure Civile n ‘a pas pour objet de réparer la faute résultant de la résistance abusive ou injustifiée d’une partie. (Cass.Soc. 02/07/91 – cah.prud’homaux. n°5 – 1992 P.79).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 2 juillet 1992
LA COUR:
Sur le moyen unique:
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu, aux termes de ce texte, que lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine;
Attendu que M. Bounoua, au service de la société SAIP, a démissionné à la fin du mois de février 1988 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale aux fins de faire condamner son ancien employeur au paiement d’un rappel de salaire et de congés payés et à la remise d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire sous peine d’astreinte ; que la société a donné satisfaction à son ancien salarié sur ces chefs de demande avant l’audience;
Attendu que pour condamner la société SAIP à payer à son ancien salarié, M. Bounoua, une somme au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, le conseil de prud’hommes énonce que les affirmations de l’employeur pour justifier sa carence sont inopérantes, que le salarié a été contraint de saisir la formation de référé du conseil de prud’hommes pour obtenir satisfaction et qu’il y a lieu de sanctionner cette pratique blâmable par l’allocation d’une somme de 1 500 francs au titre de l’article 700 du nouveau Gode de procédure civile.
Qu’en statuant ainsi, alors que l’article 700 n’a pas pour objet de réparer la faute résultant de la résistance abusive et injustifiée d’une partie, le conseil de prud’hommes a violé les textes susvisés;
PAR CES MOTIFS:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’ordonnance de référé rendue le 18 avril 1988, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Valence.
S.A.I.P. c/ M BOUNOUA (Cass.Soc. 02/07/91 – cah.prud’homaux. n°5 – 1992 P.79).

 

Éléments d’appréciation du montant de l’indemnité

Initialement le juge devait constater qu’il était inéquitable de laisser à la partie gagnante la totalité des frais irrépétibles. Depuis la réforme de 1991 , la partie gagnante a droit au remboursement de ses frais irrépétibles, sauf si des considérations d’équité amènent à ce qu’il y ait limitation ou absence de condamnation.

● Dans l’appréciation de ces circonstances, le juge dispose d’une large liberté, qui se traduit par un pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond (Cass. 2e civ., 27 janv. 1982 : Bull. civ. II, n° 12. – Cass 3e civ., 22 juin 1982 : Bull. civ. III, n° 165).

● Ce pouvoir d’appréciation s’exerce en première instance comme en appel, et un appel du seul chef de la condamnation aux frais irrépétibles serait recevable (Cass. 2e civ., 15 juin 1988 : Juris-Data n° 001547. – CA Nancy, 20 janv. 1989 : Juris-Data n° 040064).

Le juge doit constater que des frais ont été engagés

● Encourt la cassation l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait décidé d’allouer au salarié une somme globale due au titre de l’article 700 sans constater que le salarié avait dû engager des frais non compris dans les dépens. (Cass.Soc. 04/01/90 – Cah.Prud’homaux. n°5 p.78).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 4 janvier 1990
LA COUR:
Sur le premier moyen:
Vu l’article L. 212-5 et 212-5-1 du Code du travail;
Attendu selon l’arrêt attaqué que M. Molle licencié le 17 octobre 1984 par son employeur, l’Association pour la gestion des réalisations de loisirs du personnel des organismes sociaux (ARESPOS) a saisi la juridiction prud’homale d’une demande tendant à ce que cette association soit condamnée à lui payer certaines sommes à titre d’indemnités de rupture et d’heures supplémentaires;
Attendu que, pour débouter partiellement le salarié de sa demande de paiement d’heures supplémentaires, la cour d’appel a énoncé qu’il avait pu récupérer une partie des heures supplémentaires pendant le préavis exécuté en période creuse;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’en dehors de tout accord de modulation, les heures supplémentaires se décomptent dans le cadre de la semaine civile, la cour d’appel a violé les textes susvisés;
Et sur le second moyen en sa seconde branche:
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile et L. 122-14-6 du Gode du travail;
Attendu que l’arrêt attaqué a procédé à une évaluation globale des dommages-intérêts mis à la charge de l’employeur, y compris une somme due en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Qu’en statuant ainsi, sans constater que le salarié avait dû engager des frais non compris dans les dépens, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen:
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a débouté partiellement le salarié de sa demande au paiement d’heures supplémentaires et en ce qu’il lui a alloué une somme globale sur le montant des dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 25 juin 1986, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers.
M. MOLLE c/ ARESPOS – (Cass.Soc. 04/01/90 – Cah.Prud’homaux. n°5 p.78).

 

Obligation de motivation

● Un pouvoir souverain n’est pas un pouvoir arbitraire, et le juge devrait normalement motiver sa décision. C’est d’ailleurs ce que la jurisprudence avait tout d’abord décidé (Cass. soc. 3 oct. 1980: JCP1980GIV, 405. – Cass. 1ère civ., 7 mai 1980 : JCP1980GIV, 269).

● La seule référence aux dispositions de l’article 700 a été également jugée suffisante dans ce cas par certaines décisions (Cass. soc., 5 janv. 1983préc. – CA Paris, 11 févr. 1992 : D. 1992, inf. rap. p. 148). Il suffira d’énoncer que le refus de remboursement n’apparaît pas inéquitable pour que la décision soit suffisamment motivée.

● La partie défenderesse à une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens de l’article 700 du même code. (Cass. 2ème Civ. – 10 février 2011. N° 10-11.774 – BICC743 n°708).

Arrêt de la 2ème Chambre civile de la cour de cassation du 10 février 2011
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a demandé, en référé, une expertise médicale visant à établir le dommage que lui avait causé M. Y… ; que le juge des référés a ordonné cette expertise, commis un expert, condamné M. X… à payer une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et laissé à sa charge les dépens ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de laisser à sa charge les dépens, alors selon le moyen :
1°/ que seule la partie perdante peut être condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à charge d’une autre partie ; que la partie qui prospère dans sa demande d’expertise formée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne saurait être considérée comme la partie perdante, et elle ne peut donc être condamnée aux dépens, sans que cette condamnation ne soit spécialement motivée ; qu’en confirmant, en l’espèce, l’ordonnance entreprise qui avait fait droit à la demande d’expertise présentée par M. X… et avait, dans le même et sans le motiver, mis les dépens à la charge de celui-ci, pourtant partie gagnante, la cour d’appel a violé l’article 696 du code de procédure civile ;
2°/ que seule la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante peut être condamnée à verser à l’autre partie une indemnité au titre des frais irrépétibles ; qu’il en résulte que dès lors que M. X…, partie gagnante, avait, en l’espèce, été irrégulièrement, et sans motivation, tenu aux dépens, il ne pouvait être condamné au paiement d’une indemnité au titre des frais irrépétibles ; qu’en se fondant sur le fait que les dépens avait été laissés à la charge de M. X… pour confirmer sa condamnation au paiement d’indemnité au titre des frais irrépétibles, cependant que celui-ci était la partie gagnante et que sa condamnation au dépens n’avait pas été motivé par le juge des référés, la cour d’appel a violé l’article 700 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant exactement relevé que M. Y… ne pouvait être qualifié de partie perdante, la cour d’appel a, à bon droit, mis les dépens à la charge de M. X…, demandeur à l’expertise sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen :
Vu l’article 559 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner M. X… à verser à M. Y… une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, l’arrêt énonce que les deux chefs de décision critiqués par M. X… sont parfaitement et justement motivés par le premier juge ;
Qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. X… à payer à M. Y… la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 23 juin 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile ensemble l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Hémery et Thomas-Raquin ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille onze.
N° de pourvoi: 10-11774

 

III / L’ARTICLE 37 DE LA LOI DU 10JUILLET 1991 RELATIVE À L’AIDE JURIDICTIONNELLE

 

A / Le texte

L’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique (Modifié par Ordonnance n°2005-1526 du 8 décembre 2005 – art. 2 JORF 9 décembre 2005) dispose :

<< Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre.

En toute matière, l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide.

Si le juge fait droit à sa demande, l’avocat dispose d’un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S’il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l’Etat. S’il n’en recouvre qu’une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l’Etat.

Si, à l’issue du délai de douze mois mentionné au troisième alinéa, l’avocat n’a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l’Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci.

Un décret en Conseil d’Etat fixe, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent article>>.

 

Article 108 Décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique (Modifié par Décret n°2007-1151 du 30 juillet 2007 – art. 1 JORF 1er août 2007 )

Lorsque l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle a recouvré la somme allouée sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il en avise sans délai le greffier ou le secrétaire de la juridiction qui a rendu la décision ainsi que la caisse des règlements pécuniaires dont il relève. Lorsqu’il renonce à recouvrer cette somme ou, s’il n’en recouvre qu’une partie, que la fraction recouvrée n’excède pas la part contributive de l’Etat, il demande au greffe ou au secrétaire de la juridiction la délivrance d’une attestation de mission dans le délai de douze mois mentionné au troisième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Cette attestation mentionne, le cas échéant, le montant des sommes recouvrées.

Si la décision rendue sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 fait l’objet d’un recours, l’avocat peut, durant l’instance sur recours, renoncer au bénéfice de la somme allouée et demander au greffe ou au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision contestée la délivrance d’une attestation de mission.

L’avocat peut solliciter, dans les mêmes conditions, la délivrance d’une attestation de mission si, à l’issue du recours, la décision lui allouant une somme sur le fondement de l’article 37 est réformée ou annulée.

Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la part contributive de l’Etat à tout moment et au plus tard dans les quatre mois qui suivent, selon le cas, la délivrance de l’attestation de mission ou l’accomplissement de l’acte par l’auxiliaire de justice. Avis de la renonciation est donné au greffier en chef ou au secrétaire de la juridiction concernée.

 

Cette disposition permet à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle de solliciter du juge la condamnation de la partie adverse, non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, au paiement d’une indemnité correspondant aux honoraires et frais qu’il aurait facturés à son client si ce dernier n’avait pas bénéficié de l’aide juridictionnelle.

Il s’agit d’une demande faite par l’avocat et si le conseil des prud’hommes y fait droit, il doit condamner la partie perdante à verser directement à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, la somme qu’il détermine. La somme n’est pas allouée au justiciable.

La demande d’application de l’article 37 permet à l’avocat de solliciter une indemnisation supérieure à la somme qui lui est versée par le bureau d’aide juridictionnele.

 

Exemple de formulation:

« CONDAMNE ____ à verser à Maître _______ avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle la somme de __________ en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle,

Rappelle à Maître ____ qu ‘il doit s ‘engager à renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle dans les conditions de l’article 108 du décret du 19 décembre 1991

CONDAMNE _______ aux dépens

 

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