MPPPCh.6Sect.3INCIDINST

janv.24

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Section 3

 

LES INCIDENTS D’INSTANCE

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I / DÉFINITION ET CONDITIONS D’EXERCICE

Les incidents d’instance résultent d’incidents d’événements qui entraînent une modification déroulement de l’instance par son interruption, suspension ou son extinction. Il appartient à juridiction devant laquelle se déroule l’instance trancher les incidents d’instance qui se produisent.

 

 

II / JONCTION ET DISJONCTION

 

A / Principe

 

S’il existe entre deux ou plusieurs litiges pendants devant la même juridiction, un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire juger ensemble, le juge peut à la demande des parties ou d’office ordonner la jonction (article 367 du code de procédure civile).

 

B/ Objet

La jonction de plusieurs instances en une seule permet au juge d’être mieux informé et de ne pas rendre des décisions contraires au sein de la même juridiction.

En matière prud’homale, le principe de l’unicité entre les mêmes parties (exemple : plusieurs instances individuelles engagées par plusieurs salariés à l’encontre du même employeur ou bien plusieurs dossiers entre les mêmes parties). La jonction de ces instances permettra de les faire juger en même temps par une seule et même formation.

 

C/ Jonction obligatoire

Si, lors de la séance de conciliation, une section du conseil de prud’hommes est saisie, par plusieurs demandeurs de procédures contestant le motif économique d’un licenciement, le bureau de conciliation en ordonne la jonction (article R.516.48 du code du travail).

 

D/ Disjonction

Le juge peut ordonner la disjonction d’une instance en plusieurs (article 367 alinéa 2 du code de procédure civile). La disjonction peut être ordonnée si après une jonction, il apparaît des différences entre les litiges, ou bien la cause n’est en état d’être jugée qu’à l’égard de certains.

 

E/ Effets

La jonction de plusieurs instances en une seule a pour conséquence de faire trancher par une seule et même formation et par un seul jugement une série de litiges.

Le jugement est qualifié en fonction de la demande la plus élevée et cette qualification s’impose à toutes les parties. La voie de recours est identique pour tous et le recours exercé par l’un des justiciables produit ses effets à l’égard de tous.

 

 

III / INTERVENTION

 

C’est la venue, au procès en cours, d’une partie qui est nouvelle et qui intervient:

– soit spontanément, c’est l’intervention volontaire,

– soit appelée par une partie, c’est l’intervention forcée.

L’intervention obéit aux règles édictées par les articles 325 et suivants du code de procédure civile. Elle n’est recevable que si elle se rattache au procès par un lieu suffisant.

 

● Il faut se référer exclusivement aux dispositions du C.P.C. pour définir les conditions nécessaires à l’exercice de l’intervention en matière prud’homale – Gaz.Pal. 25&26/12/87 – doctrine).&(Cass. soc., 4 avr. 1941 : Gaz. Pal. 1941, 1, p. 511).

 

L’intervention volontaire et l’intervention forcée se voient appliquer les mêmes règles procédurales, à l’exception du préalable obligatoire de la conciliation, c’est notamment le cas pour l’action de L’ASSEDIC POLE EMPLOI qui intervient pour réclamer le remboursement des indemnités chômage sur le fondement de l’article L.122.14.4. du code du travail, lorsqu’un licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

 

L’intervention de L’ASSEDIC-POLE EMPLOI peut se produire à toute hauteur du procès, il est fréquent que son intervention se fasse le jour des débats.

 

L’intervention ordonnée par le bureau de jugement a pour conséquence une suspension de l’instance en cours pour permettre la convocation de la partie concernée et pour respecter le principe du contradictoire (chaque partie doit disposer d’un temps utile pour préparer sa défense.

 

L’intervention peut aboutir à une condamnation au profit ou contre le tiers intervenant ou bien à une déclaration de jugement commun.

Le tiers intervenant étant partie au procès, peut exercer la voie de recours qui est ouverte par le jugement. Par contre, il ne peut pas exercer la tierce opposition.

 

 

IV/ CHANGEMENT DE JUGE PAR ABSTENTION, RÉCUSATION OU SUSPICION

 

A/ Définition

Il s’agit d’incidents qui ont pour objet d’obtenir le changement d’un ou plusieurs conseillers prud’hommes dans la formation chargée d’examiner le litige.

 

B/ Abstention

Il suffit que le conseiller prud’homme estime en conscience devoir s’abstenir, ou bien acquiesce à une demande de récusation.

 

Aux termes de l’article 358 du code de procédure civile, la décision du premier président de la Cour d’Appel qui désigne la juridiction de renvoi en cas de suspicion légitime ou d’abstention de plusieurs conseillers prud’hommes empêchant une formation de statuer, s’impose aux parties et au juge de renvoi. (Cass.Soc 05/04/95 – Cahiers Prud’hom. n̊5 de 1997 p 80).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 5 avril 1995
LA COUR :
Sur le moyen unique tel qu’il figure au mémoire en demande annexé au présent arrêt :
Attendu que l’abstention de plusieurs conseillers ayant empêché la formation de référé du Conseil de Prud’hommes de Cholet de statuer sur la demande formée par M. Gris contre M. Resnier, le premier président de la Cour d’Appel d’Angers a désigné comme juridiction de renvoi la formation de référé du conseil de prud’hommes d’Angers, en application des articles 340 et 358 du nouveau code de procédure civile;
Attendu que, pour les motifs exposés dans le mémoire en demande susvisé, M. Resnier fait grief à l’ordonnance de référé attaquée (conseil de prud’hommes d’Angers, 17 août 1993) de ne pas avoir relevé l’incompétence territoriale de la juridiction de renvoi au profit du conseil de prud’hommes de Cholet, et d’avoir ainsi violé les dispositions de l’article R. 517-1 du code du travail ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 358 dernier alinéa du nouveau code de procédure civile, la décision qui désigne la juridiction de renvoi s’impose aux parties et au juge de renvoi; d’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
M.RESNIERc/M.GRIS (Cass.Soc 05/04/95 – Cahiers Prud’hom. n̊5 de 1997 p 80).

Déclaration d’abstention d’un conseiller prud’homme==>>declarabstention

 

 

C/ Récusation

La récusation des conseillers prud’hommes émane d’un justiciable. Elle n’est admise que pour les causes déterminées par la loi.

L’article L1457-1 du code du travail énonce de manière limitative les cas de récusation:

 

Le conseiller prud’homme peut être récusé :

1̊ Lorsqu’il a un intérêt personnel à la contestation, le seul fait d’être affilié à une organisation syndicale ne constituant pas cet intérêt personnel ;

2̊ Lorsqu’il est conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, parent ou allié jusqu’au degré de cousin germain inclusivement d’une des parties ;

3̊ Si, dans l’année qui a précédé la récusation, il y a eu action judiciaire, criminelle ou civile entre lui et une des parties ou son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin ou ses parents ou alliés en ligne directe ;

4̊ S’il a donné un avis écrit dans l’affaire ;

5̊ S’il est employeur ou salarié de l’une des parties en cause.

 

La Cour de cassation y a ajouté les conditions de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial.

 

La violation du principe d’impartialité constitue une cause de récusation

 

● Viole l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial, la cour d’appel qui rejette la demande de récusation d’un conseiller prud’homme, sans examiner si les circonstances tirées de ce que le salarié demandeur devant la juridiction prud’homale vivait maritalement avec la nièce du conseiller prud’homme qui avait refusé de s’abstenir de siéger à l’audience, constituaient une violation du principe édicté par ce texte. (Cass. Soc. 18/11/98 – Bull. 98 V n̊ 506 & Cah.Prud’hom. N̊6 de 1999 p.112).

Arrêt de la Chambre sociale de la cour de cassation du 18 novembre 1998
Sur le moyen unique :
Vu l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, par un tribunal indépendant et impartial ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société X… en récusation de M. Y…, conseiller prud’homme, l’arrêt attaqué, après avoir relevé l’absence de l’un des motifs de récusation prévus à l’article L. 518-1 du Code du travail, se borne à énoncer que les manquements éventuels à l’obligation d’impartialité résultant de l’article 6.1 de la Convention précitée ne peuvent être sanctionnés qu’a posteriori par la nullité de la décision rendue ;
Qu’en statuant ainsi, sans examiner si les circonstances invoquées par la société X…. tirées de ce que le salarié demandeur devant la juridiction prud’homale vivait maritalement avec la nièce du conseiller prud’homme qui avait refusé de s’abstenir de siéger à l’audience, constituaient une violation du principe d’impartialité édicté par l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 21 juin 1994. entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon.
N̊ 94-43.840. (Cass. Soc. 18/11/98 – Bull. 98 V n̊ 506).

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Les causes légales de récusation ne sont pas limitativement énumérées

● L’article 341 du Code de procédure civile, qui prévoit limitativement huit cas de récusation, n’épuise pas l’exigence d’impartialité requise de toute juridiction en vertu de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Cass. 2ème Civ. 27/05/04 Bull. 94- II n̊245) .

Arrêt de la 2ème chambre civile de la cour de cassation en date du 27 mai 2004
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche:
Vu les articles 341, 356 et suivants du nouveau Code de procédure civile et l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
Attendu que le premier des textes susvisés, qui prévoit limitativement huit cas de récusation, n’épuise pas l’exigence d’impartialité requise de toute juridiction;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ.,13 juillet 1999, pourvoi n̊ 97-19.319), qu’un tribunal des affaires de sécurité sociale a été saisi d’un litige opposant la société Halliburton (la société) à l’URSSAF de la Région parisienne et à la caisse primaire d’assurance maladie; que la société a présenté une requête en récusation à l’encontre du juge ayant présidé ce tribunal;
Attendu que pour rejeter cette requête, l’arrêt retient que les griefs formulés par la requérante n’entrent pas dans les prévisions des 1̊ à 7̊ de l’article 341 du nouveau Code de procédure civile, pas plus que dans celles du 8̊ du même texte;
Qu’en se déterminant ainsi, alors qu’elle se devait de rechercher, comme elle y était expressément invitée par la requête qui était notamment fondée sur l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, s’il existait, compte tenu des circonstances, une cause permettant de douter de l’impartialité du tribunal, la cour d’appel a violé, par refus d’application, les textes précités;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 7 décembre 2001, entre les parties, par la cour d’appel de Paris; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.
N0 02-15.726. Société Halliburton SAS contre Mme Marianne X..
Président: M. Ancel – Rapporteur: M. Trassoudaine – Avocat général: M. Domingo – Avocat: Me Choucroy (Cass. 2ème Civ. 27/05/04 Bull. 94- II n̊245) .

La récusation est admise à l’égard d’un Président d’audience qui critique un procès-verbal de conciliation et conseille l’une des parties.

● En donnant son avis sur le libellé d’un document imprimé utilisé par le conseil de prud’hommes en cas de conciliation entre les parties, imprimé dont il contestait la rédaction par ailleurs dépourvue d’ambiguïté, M. Joubert en tant que Président d’audience a manifestement conseillé l’une des parties; l’affaire devant revenir devant lui après qu’il ait ordonné la réouverture des débats, il doit donc être récusé en application de l’article 341-5̊ du code de Procédure civile (Ch.Soc. Cour d’appel d’Orléans 29/01/87 – Cah.Prud’homaux. n̊5 de 1987 p.69) .

Arrêt de la chambre sociale de la Cour d’appel d’Orléans en date du 29 janvier 1987
LA COUR:
L’an mil neuf cent quatre vingt sept et le vingt neuf janvier;
À l’audience de la Chambre sociale composée de M. Beque, Président de Chambre, Mme Foulon et
M. Veille, conseillers lors des débats et du délibéré et de M. Beque, Président de Chambre, Mme Foulon et M. Veille, conseillers lors du prononcé, assistés de Mme Gonzalez, greffier,
La Cour d’Appel d’Orléans a rendu ce jour vingt neuf janvier mil neuf cent quatre vingt sept, la décision suivante:
Attendu que Maître Reverand a formé au nom de René Millet une demande de récusation à l’encontre de M. Joseph Joubert, vice-président de la section industrie du conseil de prud’hommes de Tours dans l’instance opposant Jean-Pierre Goulay à René Millet, pour les motifs suivants:
«1̊ Dans un litige opposant M. Goulay demandeur et M. Millet défendeur, celui-ci, lorsque l’affaire fut évoquée devant le conseil des prud’hommes à l’audience du 17 novembre 1986, a fait état d’un procès-verbal de conciliation du conseil des prud’hommes.
M. le Président Joubert a dit au demandeur à plusieurs reprises « vous avez été piégé ».
2̊ Il a reproché en termes assez sévères au défendeur d’ignorer la législation en matière de congés payés.
3̊ Il a soutenu que devant le bureau de conciliation, le demandeur n’avait pas été éclairé.
4̊ Il a déploré publiquement la façon dont le procès-verbal de conciliation, dans sa partie imprimée, était rédigée, alors que le secrétariat attire toujours l’attention des parties sur les conséquences juridiques d’un procès-verbal de conciliation intervenu devant le bureau de conciliation.
M. le Président Joubert a déclaré que lors d’une prochaine assemblée générale, il demanderait la modification de la rédaction des procès-verbaux de conciliation.
5̊ Affirmant à plusieurs reprises que l’adversaire avait été piégé c’est porter atteinte à l’honnêteté morale du conseil du défendeur et faire preuve «d’inimitié» à l’égard du défendeur.
6̊ Critiquer de cette façon un procès-verbal de conciliation est regrettable à l’égard des deux conseillers qui siègent au bureau de conciliation.»
Attendu qu’en application des dispositions de l’article 347 du nouveau code de Procédure civile, M. Joseph Joubert a fait connaître par écrit les motifs pour lesquels il s’opposait à la récusation en arguant:
1̊ de l’irrecevabilité de la requête en raison de son retard, ladite requête s’appuyant sur des faits du 17 novembre 1986 alors qu’elle est datée du 15 décembre 1986 et que l’article 342 du nouveau code de Procédure civile stipule que «la partie qui veut récuser un juge doit, à peine d’irrecevabilité, le faire dès qu’elle a connaissance de la cause de récusation»;
– en raison des motifs invoqués qui ne sont pas un de ceux limitativement énumérés par l’article L. 518-1 du Code du travail;
2̊ du caractère infondé de la requête; qu’en effet, M. Joubert conteste formellement les allégations faites par Maître Reverand, qu’il précise qu’en raison de la vive contestation de Jean-Pierre Goulay à l’audience du 17 novembre 1986, alors que le défendeur de René Millet s’était déclaré outré que l’affaire soit portée à nouveau devant la juridiction des prud’hommes dès lors qu’une conciliation antérieure dont il produisait le procès-verbal était intervenue, il lui incombait de s’assurer en sa qualité de Président d’audience, si lors de l’audience de conciliation Goulay avait été clairement informé de la teneur du libellé de ce procès-verbal; qu’il avait exprimé son intention de demander la modification de la rédaction des imprimés en raison de leur formulation ambiguë; qu’il était faux de dire qu’il avait reproché au défendeur Millet d’ignorer la législation sur les congés payés; qu’il avait seulement rappelé les dispositions de l’article L. 223-4 du Code du travail.
Attentu que M. Joubert demande en outre la condamnation du requérant à lui verser la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et la somme de 700 F en application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de Procédure civile;
SUR CE,
Sur la recevabilité de la requête;
Attendu que si les faits sur lesquels s’appuie la requête formée par René Millet sont du 17 novembre 1986, il résulte des pièces produites que le Président d’audience, M. Joubert, a informé les parties par note datée du 2 décembre 1986 de la réouverture des débats au 16 décembre 1986; qu’ainsi, le défendeur Millet a pu, avant cette date, régulièrement former une demande de récusation, aucune décision au fond n’ayant été rendue à l’issue de l’audience du 16 novembre 1986; que la requête est donc recevable;
Attendu par ailleurs qu’outre les causes particulières énumérées par l’article L. 518-1 du Code du travail, les causes de récusation déterminées par l’article 341 du nouveau code de Procédure civile s’appliquent devant toutes les juridictions; qu’en effet, les dispositions du livre premier dudit code, dont fait partie l’article susvisé, sont communes à toutes les juridictions;
AU FOND,
Attendu qu’en donnant son avis sur le libellé d’un document imprimé, utilisé par le conseil de prud’hommes, imprimé dont il contestait la rédaction par ailleurs dépourvue d’ambiguïté, M. Joseph Joubert, en tant que président d’audience a manifestement conseillé l’une des parties, l’affaire devant revenir devant lui après qu’il ait ordonné la réouverture des débats; qu’il y a lieu d’admettre la récusation sollicitée en application de l’article 341-5̊ du nouveau code de Procédure civile;
PAR CES MOTIFS,
Déclare la requête recevable et fondée, Admet la récusation sollicitée;
Dit qu’il sera procédé au remplacement de M. Joseph Joubert dans l’affaire Jean-Pierre Goulay contre René Millet pendante devant la section industrie du conseil de prud’hommes de Tours.
M. Millet c/ M. Joubert (Ch.Soc. Cour d’appel d’Orléans 29/01/87 – Cah.Prud’homaux. n̊5 de 1987 p.69).

La participation antérieure aux formations de jugement ayant statué sur des litiges analogues ne sont pas de nature à faire naître un doute légitime sur l’impartialité du juge

● Il n’y a pas lieu à récusation de conseillers prud’hommes au motif qu’ils ont statué sur un précédent litige concernant certains salariés et que le différend dont la formation est saisie concerne d’autres salariés et a le même objet. (Cass. soc., 18/02/03, pourvoi n̊ N 01-11.170, arrêt n̊ 490 F-D: Juris-Data n̊ 2003-017870 – Travail et Protection sociale – Éditions du Juris-Classeur mai 2003 P.29).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 18 février 2003
Sur le moyen unique:
Attendu que, selon la procédure, par jugements des 13 juillet 1999 et 19 septembre 2000, le conseil de prud’hommes a accueilli les demandes de plusieurs salariés qui réclamaient à leur employeur, la société CFFCPamco industries, un rappel de salaire correspondant au temps de douche, pour une période antérieure à 1998 ; que le conseil de prud’hommes a été à nouveau saisi de demandes similaires par d’autres salariés, et d’une demande relative à une période postérieure par certains des salariés ayant été parties aux instances initiales; que l’employeur a demandé la récusation de trois conseillers prud’hommes devant figurer dans la composition du bureau de jugement et ayant participé aux jugements des 13 juillet 1999 et 12 septembre 2000, sur le fondement des articles L. 518-1 du Code du travail et 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
Attendu que la société CFFC-Pamco industries fait grief à l’arrêt attaqué (CA Poitiers, 13 mars 2001) d’avoir rejeté sa requête en récusation, alors, selon le moyen:
1̊ que l’exigence d’impartialité découlant de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme permet de récuser un conseiller prud’homal, même pour des causes non visées à l’article L. 518-1 du Code du travail ; qu’en l’espèce, en relevant comme une circonstance déterminante, pour rejeter la requête en récusation, que la participation d’un magistrat à une décision juridictionnelle collégiale ne saurait être assimilée à un avis écrit donné personnellement par ce magistrat, cas de récusation visé à l’article L. 518-1 du Code du travail, la cour d’appel a violé par refus d’application l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 518-1 du Code du travail;
2̊ qu’il suffit qu’existe un doute légitime sur l’impartialité du juge pour que sa récusation soit justifiée ; qu’en l’espèce, il était constant que MM. Rousseau, Perret et Michaud avaient statué, seulement quelques mois avant de devoir le faire à nouveau, dans des litiges l’opposant a plusieurs de ses salariés, et concernant chaque fois des faits identiques, c’est-à-dire le droit prétendu des salariés à percevoir des rappels de salaire pour prime de douche ; qu’elle pouvait donc avoir un doute légitime quant à ce que ces conseillers puissent statuer sans aucun préjugé sur des faits identiques à ceux ayant donné lieu à leurs précédentes décisions; qu’en relevant, pour rejeter sa demande de récusation, qu’il était seulement possible, et non certain, que ces conseillers aient été d’accord avec le sens des décisions auxquelles ils avaient antérieurement participé, quand il est constant qu’un doute sur l’impartialité suffit pour justifier la récusation, la cour d’appel a violé l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
3̊ qu’un doute légitime existe sur l’impartialité du juge, dès lors que celui-ci ne donne pas au justiciable l’apparence d’une impartialité objective ; que ne donne pas une telle apparence d’impartialité le juge qui est amené à apprécier les mêmes faits que ceux relatifs à une affaire qu’il a précédemment et récemment jugée; qu’en ce cas, le justiciable peut légitimement craindre que le juge ne se déjugera pas, et ne pourra se départir, même de bonne foi, d’un préjugé créant un risque objectif de partialité; que cette apparence de partialité suffit à porter atteinte à l’impartialité dite objective du Tribunal, et justifie la récusation du juge, sans qu’il soit nécessaire qu’existe une cause d’impartialité subjective, ou personnelle, imputable au juge; qu’en l’espèce, en affirmant, pour rejeter la requête en récusation, que la récusation non fondée sur des motifs d’ordre personnel constituait une menace pour l’indépendance et la sérénité du juge, la cour d’appel a nié purement et simplement la possibilité de récuser un juge ne donnant pas une apparence d’impartialité objective ; que la cour d’appel a partant violé l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
4̊ qu’il n’y a pas autorité de la chose jugée lorsqu’une même question se pose en droit et en fait, mais que les demandes restent néanmoins distinctes dans leur objet, ou présentées entre des parties distinctes; qu’ainsi, la décision ayant tranché une contestation relative au versement de certaines sommes n’a pas autorité de la chose jugée dans l’instance tendant à réclamer, sur le même fondement, des sommes d’un montant différent, correspondant à une période distincte de celle concernée par la première instance ; qu’en l’espèce, certains salariés agissaient certes sur le même fondement que précédemment, mais pour une période et des sommes distinctes ; que concernant le litige l’opposant à ses autres salariés, qui agissaient pour la première fois contre elle, l’autorité de la chose jugée des décisions précédentes était exclue, pour absence d’identité des parties; qu’en relevant, pour rejeter sa requête en récusation, que cette requête avait pour objet de faire échec à l’autorité de la chose jugée, la cour d’appel a violé l’article 1351 du Code civil;
Mais attendu que la cour d’appel, après avoir retenu, à juste titre, qu’il n’existait en la personne des trois conseillers prud’hommes concernés aucune des causes de récusation prévues par l’article L. 518-1 du Code du travail, a fait ressortir que leur participation antérieure aux formations de jugement ayant statué sur des litiges analogues n’était pas de nature à faire naître un doute légitime sur leur impartialité ; que, sans encourir les griefs du moyen, et abstraction faite du motif surabondant tiré de l’autorité de la chose jugée, elle a ainsi légalement justifié sa décision;
Par ces motifs Rejette le pourvoi
Sté CFFC-Pamco Industries c/ Michaud et a
(Cass. soc., 18 févr. 2003,., pourvoi n̊ N 01-11.170, arrêt n̊ 490 F-D: Juris-Data n̊ 2003-017870 – Travail et Protection sociale – Éditions du Juris-Classeur – mai 2003 P.29).

Un même magistrat ne peut siéger en appel après avoir siégé en première instance

 

● Est un cas de récusation au sens de l’article 341 du Code de procédure civile, le fait pour un magistrat d’être membre de la formation statuant en appel d’une affaire qu’il a eu à connaître en première instance (Cass. 2ème Civ. 03/07/85 – Bull. 85- V n̊133).

Arrêt de la 2ème chambre civile de la cour de cassation en date du 3 juillet 1985.
Sur le moyen relevé d’office, après accomplissement des formalités de l’article 1015 du nouveau Code de procédure civile;
Vu l’article 542 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que l’appel tendant à faire réformer ou annuler par la Cour d’appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré, un même magistrat ne peut siéger en appel après avoir siégé en première instance;
Attendu que l’arrêt attaqué, statuant sur l’appel interjeté par les époux Baucher d’une ordonnance d’un président de Tribunal de grande instance fixant la valeur locative de l’immeuble à usage commercial que leur donnent à bail les époux Vattaire, a été rendu avec le concours du magistrat ayant, en première instance, rendu l’ordonnance déférée à la Cour d’appel;
En quoi, la Cour d’appel a violé le texte susvisé;
PAR CES MOTIFS:
CASSE ET ANNULE l’arrêt rendu entre les parties le 11juillet 1983 par la Cour d’appel de Bourges; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Limoges.
N̊ 84-10.356. Époux Baucher contre époux Vattaire. (Cass. 2ème Civ. 03/07/85 – Bull. 85- V n̊133).

Le juge ayant statué en première instance ne peut connaître du recours

● Un magistrat qui a participé au jugement d’une affaire en première instance ne peut connaître du recours en révision de l’arrêt rendu sur appel de ce jugement (Cass. 2ème Civ. 03/11/93 Bull. 03- II n̊307).

Arrêt de la 2ème chambre civile de la cour de cassation en date du 3 novembre 1993
Sur le premier moyen:
Vu les articles 542 et 593 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
Attendu qu’un magistrat qui a participé au jugement d’une affaire en première instance ne peut connaître du recours en révision de l’arrêt rendu sur appel de ce jugement;
Attendu que l’arrêt attaqué, statuant sur la révision d’un arrêt faisant suite à un appel d’un jugement d’un tribunal de grande instance, a été rendu avec le concours d’un magistrat ayant participé à ce jugement;
En quoi la cour d’appel a violé les textes susvisés;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 16 décembre 1991, entre les parties, par la cour d’ appel de Grenoble; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry.
N̊ 92-11.725. Mme Mercier Chamorand contre consorts Chamorand.
(Cass. 2ème Civ. 03/11/93 Bull. 03- II n̊307).

Dans deux arrêts du 6 novembre 1998, l’assemblée plénière de la cour de cassation a fait la distinction suivante:

 

◆ Pour pouvoir statuer en référé et au fond, le juge ne doit avoir pris qu’une mesure conservatoire en référé.

◆ Si le juge a ordonné un paiement en référé, il ne pourra pas siéger en bureau de jugement

Le juge ayant pris préalablement une mesure conservatoire en tant que juge des référés peut juger le fond

● N’implique pas une atteinte à l’exigence d’impartialité appréciée objectivement, la circonstance qu’un magistrat statue sur le fond d’une affaire dans laquelle il a pris préalablement une mesure conservatoire en tant que juge des référés (Cass.Ass. Plen. 06/11/98 Bull 98 n̊4).

 

Arrêt de l’Assemblée Plénière de la cour de cassation en date du 6 novembre 1998
Attendu qu’imputant à M. Guillotel la rétention injustifiée d’un solde de travaux, la société Castel et Fromaget a, dans un premier temps, engagé une procédure de saisie conservatoire entre les mains d’un tiers; qu’une décision judiciaire ayant autorisé cette mesure, M. Guillotel a présenté au juge des référés une première demande de mainlevée, à la suite de laquelle le magistrat a rendu, le 22 novembre 1989, une ordonnance cantonnant la saisie à un certain montant, puis une seconde demande, qui a été rejetée par une ordonnance de référé du même magistrat le 14 février 1990; que, statuant sur l’action au fond de la société Castel et Fromaget contre M. Guillotel, un arrêt prononcé par une chambre de la cour d’appel au sein de laquelle siégeait le magistrat qui avait rendu les deux ordonnances de référé, a condamné M. Guillotel à payer à la société diverses sommes;
Sur le premier moyen:
Attendu que M. Guillotel reproche à la juridiction du second degré d’avoir ainsi statué alors que ce magistrat « ne pouvait connaître du litige en appel du jugement sur le fond, que ce faisant la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe d’impartialité, ce magistrat ne pouvant connaître en appel du même litige qui lui avait été soumis en tant que juge des référés »;
Mais attendu que la circonstance qu’un magistrat statue sur le fond d’une affaire dans laquelle il a pris préalablement une mesure conservatoire n’implique pas une atteinte à l’exigence d’impartialité appréciée objectivement;
Mais sur la troisième branche du second moyen
Vu l’article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que la cour d’appel a estimé que M. Guillotel était notamment redevable à la société Castel et Fromaget d’une somme de 180 755 francs;
Attendu, cependant, que dans ses conclusions d’appel M. Guillotel avait fait valoir que les travaux correspondant à ce montant n’avaient en réalité pas été réalisés par la société Castel et Fromaget, de sorte qu’elle ne pouvait en obtenir le paiement; qu’en ne répondant pas à ce moyen, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les deux premières branches du second moyen:
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions condamnant M. Guillotel au paiement d’une somme de 180 755 francs, l’arrêt rendu le 27 octobre 1994, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rennes, autrement composée.
N̊95-11.006 (Cass.Ass. Plen. 06/11/98 Bull 98 n̊4)

Le juge ayant préalablement ordonné un paiement en tant que juge des référés ne peut juger le fond . Il en résulte alors une incompatibilité entre les fonctions de juge des référés et celles de juge du bureau de jugement

● En vertu de l’article 6,1̊, de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial. Cette exigence devant s’apprécier objectivement, il en résulte que, lorsqu’un juge a statué en référé sur une demande tendant à l’attribution d’une provision en raison du caractère non sérieusement contestable d’une obligation, il ne peut ensuite statuer sur le fond du litige afférent à cette obligation (Cass.Ass.Plenière.06/11/98 Cah.Prud’homaux n̊2 – 99 p.30).

Arrêt de l’assemblée plénière de la cour de cassation du 6 novembre 1998
LA COUR:
Sur le rapport de M. Sargos, conseiller, assisté de Mme Curiel-Malville, auditeur, les observations de Me Foussard, avocat de la société Bord Na Mona, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société Norsk hydro azote et du Groupement d’intérêt économique « GIE Uni Europe », de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de M. Jullien et de M. Garnier, ès qualités, les conclusions non conformes de M. Burgelin, procureur général, auxquelles les parties invitées à le faire, n’ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Met hors de cause la société Humeland;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et du pourvoi provoqué;
Vu l’article 5, 1̊ de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 873, alinéa 2, du Nouveau Code de Procédure Civile;
Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que cette exigence doit s’apprécier objectivement ; qu’il en résulte que lorsqu’un juge a statué en référé sur une demande tendant à l’attribution d’une provision en raison du caractère non sérieusement contestable d’une obligation, il ne peut ensuite statuer sur le fond du litige afférent à cette obligation;
Attendu que M. Jullien, pépiniériste, imputant les dommages affectant ses plantations à un vice caché de la tourbe qu’il avait achetée à la société Norsk hydro azote (NHA),et dont le distributeur était la société Bord Na Mona (BNM), a obtenu en référé, sur le fondement de l’article 873, second paragraphe, du Code de Procédure Civile, l’attribution d’une provision ; que par un premier arrêt prononcé le 18 avril 1991 la Cour d’Appel a confirmé l’ordonnance de référé ; que M. Jullien a ensuite engagé une action de fond et que la même Cour d’Appel, statuant dans une formation composée d’un magistrat qui avait siégé lors de l’appel de l’ordonnance de référé a, le 9 mars 1994, confirmé le jugement du tribunal de commerce condamnant la société NHA et son assureur, le Groupement d’intérêt économique «Uni Europe» (GIE), à réparer les dommages subis par M Jullien du fait du vice de la tourbe livrée, la société BNM étant de son côté condamnée à garantir les sociétés NHA et son assureur; que, pour rejeter le moyen de la société BNM suivant lequel la chambre de la Cour d’Appel ne pouvait connaître de l’appel du jugement sur le fond dès lors qu’elle avait précédemment connu de l’appel de l’ordonnance de référé attribuant une provision à M. Jullien et porté à cette occasion des appréciations sur des points qui étaient de nouveau en litige au fond, la Cour d’Appel a énoncé que, bien qu’elle ait déjà statué sur des moyens de droit à nouveau soumis à son examen, elle n’avait pas à se dessaisir dès lors que les deux instances n’étaient pas de même nature s’agissant, d’une part, d’un appel contre une ordonnance de référé qui n’a pas au principal l’autorité de la chose jugée, d’autre part, d’une instance au fond, de sorte qu’en se prononçant sur l’appel du référé la Cour ne pouvait être considérée comme s’étant déjà prononcée sur le litige au fond et que la distinction des deux actions concernées ne permettait pas à la société BNM d’exciper utilement de l’article 6,1̊ susvisé pour solliciter le dessaisissement de la troisième chambre de la Cour;
Attendu qu’en statuant ainsi, la Cour d’Appel a violé les textes susvisés;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 mars 1994, entre les parties, par la Cour d’Appel d’Amiens; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’Appel de Rennes;
Condamne les défendeurs aux dépens;
Vu l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, rejette la demande de M. Jullien.
SOCIÉTÉ BORD NA MONA C/ SOCIÉTÉ NORSK HYDRO AZOTE ET AUTRES
(Cass.Ass.Plen.06/11/98 cah. n̊2 – 99 p.30).

Existence d’un procès avec une partie constitue une cause péremptoire de récusation

● L’existence d’un procès entre l’expert judiciaire et l’une des parties constitue une cause péremptoire de récusation, sans qu’il y ait lieu de distinguer suivant que le procès a été engagé avant ou après le début des opérations d’expertise, ou selon qu’il puise sa raison d’être dans des faits étrangers ou non au déroulement des opérations ; dès lors viole les articles 341, 4̊, du Code de procédure civile, et 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales l’arrêt qui rejette une demande de récusation au motif qu’il ne peut être considéré qu’il y a « procès » ou même « inimitié notoire » entre un expert et une partie condamnées pour des faits de violence commis sur cet expert au cours des opérations d’expertise, au sens de l’article 341 du Code de procédure civile, faute pour le demandeur à la récusation d’établir l’existence d’un différend personnel entre l’expert et lui, antérieurement à cet incident, et extérieur aux opérations d’expertise confiées à l’expert (2ème CIV. – 13 octobre 2005. CASSATION N̊ 04-10.834. – C.A. Bordeaux, 13 novembre 2003 BICC 632 N̊ 95).

Le droit de récusation appartient aux clients de l’avocat et non à l’avocat lui-même.

● Le droit de récusation appartient aux clients présents ou à venir de l’avocat et non à l’avocat lui-même qui n’est pas partie au procès. Dès lors, il ne peut exister de récusation générale, mise en oeuvre à titre préventif, à l’encontre d’un magistrat, au profit d’un cabinet d’avocat déterminé, visant à l’exclure de la formation de jugement chaque fois que ce cabinet d’avocat est amené à plaider une affaire devant la juridiction à laquelle appartient ce magistrat. (2ème CIV. – 8 septembre 2005. N̊ 03-18.862. BICC 630 N̊ 2216).

Arrêt de la 2ème Chambre civile de la cour de cassation du 8 septembre 2005
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 septembre 2003), que M. X…, gérant de la SELARL Cabinet X… et associés (le cabinet X…) a présenté une requête en récusation générale de M. Y…, magistrat élu au conseil de prud’hommes de Marseille pour les affaires qu’il serait amené à plaider devant la section commerce à laquelle appartient ce conseiller ; qu’à l’appui de sa requête, M. X… expliquait que le cabinet X… avait été condamné personnellement à payer à M. Y… une somme au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile alors qu’il agissait comme mandataire d’une association dans une instance opposant ladite association à M. Y… ; qu’en instance d’appel, dans le cadre de la même affaire, M. Y… persistait à solliciter la condamnation du cabinet X…, le traitant ainsi comme une partie ; qu’à cette occasion, le conseil de M. Y… aurait écrit une lettre de menaces précisant à l’adresse du cabinet X… « votre obstination vous perdra et vous risquez de perdre vos clients par la même occasion » ; que le cabinet X… a présenté, le 8 avril 2003, une requête en récusation générale, à l’encontre de M. Y…, portant sur toutes les affaires que ce cabinet pourrait plaider devant ce magistrat ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté la demande du cabinet X… tendant à obtenir une récusation générale de M. le conseiller prud’homme Y…, alors, selon le moyen, que doit être mentionné le nom du greffier signataire de la minute ; qu’il appert de l’arrêt que celui-ci a été prononcé à l’audience publique du 3 septembre 2003 par M. le conseiller A… assisté par Mme Z… mais qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni d’aucune mention que ce soit cette dernière qui ait signé la minute, la signature qui figure au pied de l’arrêt étant à cet égard illisible ; qu’ainsi, la Cour de cassation n’est pas à même d’exercer son contrôle au regard des articles 456, 457 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu’il y a présomption que le greffier qui a signé la décision, est celui qui a assisté à son prononcé ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté la demande du cabinet X… tendant à obtenir une récusation générale de M. le conseiller prud’homme Y…, alors, selon le moyen, que les exigences d’un procès équitable qui implique une impartialité objective et subjective du juge étaient de nature à autoriser l’avocat gérant d’une société d’avocats qui représente des justiciables à saisir le juge d’une demande de récusation concernant un conseiller prud’homme qui a un contentieux marqué au coin de prises de positions empreintes d’animosité forte à l’endroit de l’avocat demandeur à la récusation et/ou à la demande de déport du juge; qu’eu égard à ces circonstances particulières -une animosité exprimée à plusieurs reprises -, les exigences de l’équité du procès faisaient que le juge de la récusation qui n’est pas enfermé dans les dispositions restrictives des articles L. 518-1 du Code du travail et 341 du nouveau Code de procédure civile, pouvait parfaitement accéder à la demande tendant à ce que les causes défendues par l’avocat en matière prud’homale devant la formation où siège le conseiller prud’homme Y… ne pouvaient être plaidées devant ce conseiller en l’état de ce que les exigences de l’équité du procès impliquent, et ce sans obliger, ce faisant, contrairement à ce qu’affirme la cour d’appel, le justiciable défendu par un avocat qu’il mandate à cet effet de demander dans chaque affaire la récusation; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a méconnu son office au regard de l’article 12 du nouveau Code de procédure civile et violé l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les exigences de l’équité du procès au regard du principe d’impartialité qui est central ;
Mais attendu que l’arrêt énonce, à bon droit, que le droit de récusation appartient aux clients présents ou à venir du cabinet X… et non à l’avocat qui n’est pas partie et ne peut mettre en oeuvre ce droit à titre préventif ; que la cour d’appel en a exactement déduit qu’il appartiendra le cas échéant à ce cabinet d’avocats de présenter une requête en récusation, conformément à la loi, toutes les fois que ses clients l’estimeront nécessaire, et que la solution contraire reviendrait à donner au cabinet X… un droit de regard sur le fonctionnement de la juridiction prud’homale de Marseille que la loi ne lui reconnaît pas ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X…, ès qualités, aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille cinq.
(Cass. 2ème Civ 08/09/05 N̊ de pourvoi : 03-18862 Bulletin et Légifrance
Décision attaquée : cour d’appel d’Aix-en-Provence (9e chambre A) 2003-09-03)

Récusation du conseiller prud’homme membre du bureau de jugement et désigné préalablement conseiller rapporteur ayant manifesté son appréciation sur l’affaire

● Selon l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial.

Viole ce texte, la cour d’appel qui rejette la demande de renvoi de l’affaire devant une autre formation, dont elle est saisie en application de l’article 359 du code de procédure civile, dès lors que les conseillers prud’hommes membres de la formation de jugement, précédemment chargés de réunir des éléments d’information dans l’affaire en cause, avaient, dans leur rapport écrit, conclu au mal fondé de la demande du salarié (Cass.Soc.3 mars 2009 N̊ de pourvoi: 07-15581- BICC 706 – N̊1047).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du mardi 3 mars 2009
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a saisi la juridiction prud’homale d’un litige l’opposant à la société ESR ; qu’en application de l’article R. 516-21 devenu R. 1454-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes a chargé deux conseillers rapporteurs de réunir les éléments d’information nécessaires pour statuer ; que le rapport énonce que la demande de M. X… n’est pas légitimement fondée ; que l’intéressé a demandé le renvoi de l’affaire pour cause de suspicion légitime ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que la circonstance que les conseillers rapporteurs soient membres de la formation de jugement n’est pas une cause de renvoi dès lors qu’ils n’exercent pas des pouvoirs d’enquête mais d’information;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’opinion exprimée par les deux rapporteurs, à l’occasion de leur mission précédant le délibéré, sur le caractère mal fondé de la demande du salarié faisait naître un doute légitime sur leur impartialité et celle de la juridiction à laquelle ils appartiennent, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Vu l’article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 mars 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi du chef de la cassation ;
Déclare fondée la demande de renvoi présentée par M. X… pour cause de suspicion légitime ;
Désigne le conseil de prud’hommes de Nanterre pour statuer sur cette demande ;
Condamne la société ESR aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille neuf.
N̊ de pourvoi: 07-15581

L’impartialité ne vise que les conseillers qui composent le bureau de jugement

● La circonstance qu’un membre du conseil de prud’hommes, ne figurant pas dans la composition du bureau de jugement appelé à statuer sur le litige, se soit publiquement prononcé contre une partie n’est pas de nature à faire naître un doute légitime sur l’impartialité de la juridiction dans son ensemble. La cour d’appel ayant constaté que l’affaire avait été distribuée à une formation ne comportant pas la personne récusée, elle a donc pu décider qu il n’existait pas de raison objective de douter de l’impartialité de cette juridiction. (Cass. soc., 7 févr. 2006, n̊03-46.290 D Sem. Soc. Lamy n̊ 1249).

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D / Procédure de récusation

Elle est prévue par les articles 342 et suivants du code de procédure civile.

La partie qui veut récuser un conseiller prud’homme doit, à peine d’irrecevabilité, le faire dès qu’elle a connaissance de la cause de récusation. En aucun cas la demande de récusation ne peut être formée après les débats.

1̊) La récusation doit impérativement être formée dès la connaissance de la cause de récusation et avant la clôture des débats

 

● Un jugement est régulièrement rendu, dès lors que, par une énonciation qui fait foi jusqu’à inscription de faux, il y est indiqué qu’il a été prononcé par un magistrat ayant participé aux débats et au délibéré.

Il ne peut être reproché à un conseil de prud’hommes d’avoir statué, alors que l’un des conseillers prud’hommes ayant siégé exerçait aussi les fonctions incompatibles de juge consulaire, lorsqu’aucune procédure de contestation de l’élection de ce conseiller prud’homme n’a été diligentée conformément aux dispositions des articles R.513-108 et R. 513-109 du code du travail et qu’aucune demande de récusation n’a été formée avant la clôture des débats. (Cass. Soc. 20/03/90 – Bull. 90 V n̊127).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 20 mars 1990
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Metz, 9 juin 1986), que la société Jaxel a attrait devant la juridiction prud’homale son ancien salarié, M. Schiby afin d’obtenir la restitution d’une somme allouée à ce dernier par une précédente décision judiciaire; qu’ayant été déboutée par le conseil de prud’hommes, elle a interjeté appel du jugement;
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir fait droit à la demande d’annulation du jugement alors, selon le pourvoi, que le conseil de prud’hommes n’avait pas, le jour où le jugement a été rendu, la composition indiquée dans la décision, laquelle en outre, n’a pas été prononcée par le président dont le nom y est mentionné et qui ne siégeait pas, mais par l’un des conseillers ayant siégé lors des débats et du délibéré;
Mais attendu qu’en vertu des dispositions combinées des articles 452 et 457 du nouveau code de procédure civile, le jugement est régulièrement rendu dès lors que, par une énonciation qui fait foi jusqu’à inscription de faux, il y est indiqué qu’il a été prononcé par un magistrat ayant participé aux débats et au délibéré; que c’est donc par une exacte application des textes susvisés que la cour d’appel a rejeté l’argumentation de la société Jaxel ; d’où il suit que le moyen ne peut être accueilli;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches
Attendu qu’il est encore reproché à la décision d’avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, que l’un des conseillers prud’hommes ayant siégé exerçait aussi les fonctions de juge consulaire, incompatibles avec celles de conseiller prud’homme et avait été, en outre, l’employeur de M. Schiby;
Mais attendu que la cour d’appel a relevé, d’une part, qu’aucune procédure de contestation de l’élection du conseiller prud’homme mis en cause n’avait été diligentée conformément aux dispositions des articles R. 513-108 et R. 513-109 du code du travail, d’autre part, qu’aucune demande de récusation dudit conseiller n’avait été formée par la société Jaxel avant la clôture des débats devant le conseil de prud’hommes, conformément aux dispositions de l’article 342 du nouveau code de procédure civile ; qu’elle en a exactement déduit qu’aucune critique ne pouvait être utilement portée contre la participation de ce conseiller prud’homme au jugement de l’affaire d’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches;
PAR CES MOTIFS: REJETTE le pourvoi.
No 86-44.139. Société Jaxel contre M. Schiby. (Cass. Soc. 20/03/90 – Bull. 90 V n̊127).

La demande de récusation doit être formée dès la connaissance de la cause de récusation

 

● Est irrecevable, en application des dispositions de l’article 342, alinéa 1er du Code de procédure civile selon lesquelles la partie qui veut récuser un juge doit, à peine d’irrecevabilité, le faire dès qu’elle a connaissance de la cause de récusation, la requête présentée à cet effet par une partie près de deux mois après qu’elle a été en mesure d’avoir connaissance des causes de récusation qu’elle soulève (Cass. 2ème Civ. 19/02/04 – Bull. 94- II n̊74 et BICC 598 n̊789).

Arrêt de la 2ème chambre civile de la cour de cassation en date du 19 février 2004
Vu l’article 342, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile;
Attendu, selon ce texte, que la partie qui veut récuser un juge doit, à peine d’irrecevabilité, le faire dès qu’elle a connaissance de la cause de récusation;
Vu la transmission au Premier Président de la Cour de cassation, par le premier président de la cour d’appel de A…, de la requête présentée par la société X. ., tendant à la récusation des magistrats composant la 23ème chambre B de cette Cour, saisie de l’appel interjeté par la requérante contre un jugement du tribunal de grande instance de B… prononcé le 24 juin 2003 dans une affaire l’opposant au syndicat des Copropriétaires de l’immeuble et à M. C…;
Vu l’avis du premier président de la cour d’appel de A…;
Attendu qu’il résulte de la lettre de transmission de ce premier président que l’affaire, enrôlée le 16 septembre 2003, a fait l’objet le 29 septembre d’un avis de fixation devant la 23ème chambre B de la cour d’appel de A…; qu’il s’ensuit que la requérante était en mesure, depuis cette date au moins, de connaître l’affectation de l’affaire devant Cette formation, partant, d’avoir connaissance des causes de récusation qu’elle soulève;
D’où il suit que la requête, présentée seulement le 23 novembre 2003, est tardive; que par suite, elle n’est pas recevable;
Par ces motifs:
DECLARE 1RRECEVABLE la requête.
No 04-01.396. Société X. COntre M Y et autres. (Cass. 2ème Civ. 19/02/04 – Bull. 94- II n̊74).

En application du premier alinéa de l’article 342 du Code de procédure civile, la partie qui veut récuser un juge doit, à peine d’irrecevabilité, le faire dès qu’elle a connaissance de la cause de récusation.

En conséquence, la partie qui était informée du nom du magistrat appelé à statuer, sans audience, sur ses observations écrites, n’est pas recevable à invoquer devant la Cour de cassation le défaut d’impartialité de ce juge, au motif qu’il avait déjà statué à plusieurs reprises sur sa demande de surendettement, dès lors qu’elle n’a pas fait usage de la possibilité d’en demander la récusation, par application de l’article 341.5̊ du Code de procédure civile, dès qu’elle a eu connaissance de la cause de récusation. (2ème CIV. – 20 octobre 2005. BICC 633 N̊N̊ 197 N̊ 04-04.114. – ).

 
 

La demande de récusation d’un conseiller prud’homme émane d’un justiciable (demandeur ou défendeur). Elle n’est admise que pour les causes déterminées par la loi .

Il convient de se référer à l’article L1457-1 du code du travail, à l’article L111-6 du code de l’organisation judiciaire ainsi qu’aux articles 341 et suivants du code de procédure civile.

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LES TEXTES:

La liste de l’article L1457-1 du code du travail n’est pas limitative). La Cour de cassation y a ajouté les conditions de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial.

Article L1457-1 du code du travail:

Le conseiller prud’homme peut être récusé :
1̊ Lorsqu’il a un intérêt personnel à la contestation, le seul fait d’être affilié à une organisation syndicale ne constituant pas cet intérêt personnel ;

2̊ Lorsqu’il est conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, parent ou allié jusqu’au degré de cousin germain inclusivement d’une des parties ;

3̊ Si, dans l’année qui a précédé la récusation, il y a eu action judiciaire, criminelle ou civile entre lui et une des parties ou son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin ou ses parents ou alliés en ligne directe ;

4̊ S’il a donné un avis écrit dans l’affaire ;

5̊ S’il est employeur ou salarié de l’une des parties en cause.

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Article L111-6 du code de l’organisation judiciaire
Sous réserve de dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d’un juge peut être demandée :

1̊ Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;

2̊ Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l’une des parties ;

3̊ Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l’une des parties ou de son conjoint jusqu’au quatrième degré inclusivement ;

4̊ S’il y a eu ou s’il y a procès entre lui ou son conjoint et l’une des parties ou son conjoint ;

5̊ S’il a précédemment connu de l’affaire comme juge ou comme arbitre ou s’il a conseillé l’une des parties ;

6̊ Si le juge ou son conjoint est chargé d’administrer les biens de l’une des parties ;

7̊ S’il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l’une des parties ou son conjoint ;

8̊ S’il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l’une des parties ;

9̊ S’il existe un conflit d’intérêts, au sens de l’article 7-1 de l’ordonnance n̊ 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Les magistrats du ministère public, partie jointe, peuvent être récusés dans les mêmes cas.

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Article 341 du code de procédure civile
Sauf disposition particulière, la récusation d’un juge est admise pour les causes prévues par l’article L. 111-6 du code de l’organisation judiciaire.

Article 342 du code de procédure civile
La partie qui veut récuser un juge ou demander le renvoi pour cause de suspicion légitime devant une autre juridiction de même nature doit, à peine d’irrecevabilité, le faire dès qu’elle a connaissance de la cause justifiant la demande.
En aucun cas la demande ne peut être formée après la clôture des débats.

Article 343 du code de procédure civile
A l’exception des actions portées devant la Cour de cassation, la récusation ou le renvoi pour cause de suspicion légitime peut être proposé par la partie elle-même ou par son mandataire.
Le mandataire doit être muni d’un pouvoir spécial.
La requête est formée par avocat devant les juridictions où celui-ci a seul qualité pour représenter les parties.

Article 344 du code de procédure civile
La demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime est portée devant le premier président de la cour d’appel. Elle est formée par acte remis au greffe de la cour d’appel.
Lorsque la cause justifiant la demande est découverte à l’audience, la demande est formée par déclaration consignée par le greffier dans un procès-verbal, qui est adressé sans délai au premier président. Une copie en est conservée au dossier.
La demande doit, à peine d’irrecevabilité, indiquer les motifs de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime et être accompagnée des pièces justificatives.
Il est délivré récépissé de la demande.

Article 345 du code de procédure civile
Le président de la juridiction faisant l’objet d’une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ou à laquelle appartient le magistrat dont la récusation est demandée, ainsi que le magistrat concerné, sont avisés par tout moyen par le premier président de la requête dont il est saisi. Selon le cas, le président de la juridiction ou le magistrat concerné est invité à présenter ses observations.
Lorsque le magistrat concerné s’abstient, le président de la juridiction en informe sans délai le premier président.
La requête présentée au premier président ne dessaisit pas le magistrat dont la récusation est demandée ou la juridiction dont le dessaisissement est demandé. Toutefois, le premier président peut, après avis du procureur général, ordonner qu’il soit sursis à toute décision juridictionnelle jusqu’à la décision sur la demande de
récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime.

Article 346 du code de procédure civile
Le premier président statue sans débat dans le délai d’un mois à compter de sa saisine après avis du procureur général. Lorsque la demande de récusation concerne le juge des libertés et de la détention statuant dans les contentieux visés à l’article L. 213-8 du code de l’organisation judiciaire, le premier président statue à bref délai.
Le greffier avise, par tout moyen et sans délai, de la décision rendue les parties, le juge dont la récusation a été demandée et le président de la juridiction à laquelle appartient ce magistrat ou dont le dessaisissement a été demandé.
L’ordonnance rejetant la demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime peut faire l’objet d’un pourvoi dans les quinze jours de sa notification par le greffe.

Article 347 du code de procédure civile
Si la demande de récusation est admise, il est procédé au remplacement du juge.
Si la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime est admise, l’affaire est renvoyée devant une autre formation de la juridiction initialement saisie ou devant une autre juridiction de même nature. Cette décision s’impose aux parties et au juge de renvoi. En cas de renvoi devant une autre juridiction, il est procédé comme il est dit à l’article 82.
Les actes de procédure accomplis par le juge ou la juridiction avant que la décision accueillant la demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime n’ait été portée à sa connaissance ne peuvent être remis en cause. Est toutefois non avenue, quelle qu’en soit sa date, la décision rendue par le juge ou la juridiction qui tranche tout ou partie du principal ou qui, sans trancher le principal, est exécutoire à titre provisoire.

Article 348 du code de procédure civile
Si la demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime est rejetée, son auteur peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés.

 

Le juge doit s’abstenir dans l’attente de la décision de la cour

● En vertu des articles 346 et 349 du code de procédure civile, le juge qui s’oppose à sa récusation par une partie doit s’abstenir jusqu’à ce que la cour d’appel, qui seule a qualité pour apprécier la recevabilité et le bien-fondé de la demande de récusation, ait statué.

Doit dès lors être cassé le jugement qui déclare une telle demande irrecevable et statue sur le fond du litige. (Soc. – 21 janvier 2009. N̊ 08-60.400 bicc 704 N̊778).

 

● Il résulte de la combinaison des articles R. 518-1, R. 518-2 (devenus R. 1457-1 et R. 1457-2 du Code du travail) et 346 du Code de procédure civile ensemble l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales que le conseil des prud’hommes doit, dès qu’il a connaissance de la demande de récusation, suspendre l’instance jusqu’à ce qu’elle ait été définitivement tranchée et ne peut statuer sur cette demande ni examiner l’affaire au fond, en présence du conseiller prud’hommes dont la récusation a été sollicitée. (Cass. soc., 3 juin 2009, n 07-44.212 P + B Semaine Soc.Lamy n̊ 1405).

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E/ Suspicion légitime

Un plaideur qui a des motifs sérieux de penser que les conseillers prud’hommes qui doivent examiner son affaire ne sont pas en situation de se prononcer avec impartialité, en raison de leurs tendances ou de leur intérêt, peut demander que l’affaire soit renvoyée devant un autre conseil de prud’hommes.
La demande de renvoi pour cause de suspicion légitime est assujettie aux mêmes conditions de recevabilité et de formes que la demande de récusation.
La demande de dessaisissement est aussitôt communiquée par le greffier en chef au président du conseil de prud’hommes.
Si le président estime la demande fondée, il distribue l’affaire à une autre formation du conseil de prud’hommes. S’il estime que l’affaire doit être renvoyée à une autre juridiction, il transmet le dossier à la cour d’appel qui désigne la juridiction de renvoi. La décision n’est susceptible d’aucun recours; elle s’impose aux parties et au juge de renvoi.
Si le président s’oppose à la demande, il transmet l’affaire, avec les motifs de son refus au premier président de la cour d’appel. La cour d’appel statue dans le mois, en chambre du conseil, le ministère public entendu, et sans qu’il soit nécessaire d’appeler les parties. Si la demande est justifiée, l’affaire est renvoyée soit à une autre formation du conseil de prud’hommes primitivement saisi, soit à un autre conseil de prud’hommes. La décision s’impose aux parties et au juge de renvoi. Elle n’est susceptible d’aucun recours.

Un plaideur qui a des motifs sérieux de penser que les conseillers prud’hommes qui doivent examiner son affaire ne sont pas en situation de se prononcer avec impartialité, en raison de leurs tendances ou de leur intérêt , peut demander que l’affaire soit renvoyée devant un autre conseil de prud’hommes.

 

● La suspicion portée contre une formation de jugement ne peut être légitime lorsque elle est fondée sur une cause étrangère à cette formation.

il y a lieu en outre de condamner le requérant à une amende civile pour s’être montré imprudent dans une demande grave de nature à faire suspecter l’ensemble d’une juridiction. (Cour d’appel de Toulouse 1ère chambre 16/12/92 – Cahiers Prud’homaux n̊9 de 1994 p.153).

Arrêt de la 1ère Chambre de la Cour d’appel de Toulouse du 16 décembre 1992
M. VIGNOLLES c/ CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE FOIX
LA COUR :
Objet du recours et prétention des parties :
Par requête déposée au greffe du Conseil de Prud’hommes de Foix le 10 novembre 1992, Monsieur Max Vignolles, assigné devant la section commerce de cette juridiction par les consorts Parent pour rupture abusive du contrat de travail de leur mère décédée le 2 avril 1992, a formé une demande de renvoi pour
cause de suspicion légitime en invoquant le fait que Madame Parent avait, avant son décès, obtenu un conseil touchant au litige en cours de la part du président et d’un conseiller prud’hommes appartenant respectivement aux sections industrie et encadrement.
Le président du Conseil de Prud’hommes s’oppose à la demande en faisant valoir essentiellement, d’une part que le conseil donné à Madame Parent portait sur un objet différent de celui du litige dont est actuellement saisie sa juridiction et, d’autre part, que les deux membres de cette juridiction qui avaient donné ce conseil n’appartiennent pas à la section qui doit juger du litige.
Le procureur général conclut au rejet de la demande et à la condamnation de Monsieur Vignolles à une amende civile de cinq mille francs en observant que les relations de conseil alléguées entre Madame Parent et deux conseillers prud’hommes ne peuvent en aucune manière, et même si l’un d’eux exerce la fonction de président, caractériser le soupçon de partialité nécessaire pour légitimer la récusation de l’entière juridiction.
Motifs:
En droit, la suspicion portée contre une formation de jugement ne peut être légitime lorsqu’elle est fondée sur une cause étrangère à cette formation.
En l’espèce il est constant que les membres du Conseil de Prud’hommes de Foix ayant donné des conseils à Madame Parent n’appartiennent pas à la formation de jugement saisie de l’affaire.
En conséquence, la demande de renvoi ne peut qu’être rejetée.
Il y a lieu en outre, par application des articles 363 et 353 du Nouveau Code de Procédure Civile, de condamner Monsieur Vignolles à une amende civile de cinq mille francs, celui-ci s’étant montré manifestement imprudent dans une demande grave de nature à faire suspecter l’ensemble d’une juridiction.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Rejette la demande de Monsieur Vignolles ;
Condamne Monsieur Vignolles à une amende civile de cinq mille francs ;
Dit que copie de l’arrêt sera adressée par le greffe aux parties et au président du Conseil de Prud’hommes de Foix ;
Dit n’y avoir lieu à dépens.
(Cour d’appel de Toulouse 1ère chambre 16/12/92 – Cahiers Prud’homaux n̊9 de 1994 p.153).

L’inimitié notoire doit exister entre le juge et l’une des parties et non pas avec l’avocat

● Est irrecevable la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime déposée par un avocat, au seul prétexte qu’il avait perdu devant cette juridiction prud’homale une affaire qu’il estimait devoir gagner, dès lors qu’il n’existait pas d’inimitié notoire entre le juge et l’une des parties, ni aucune des causes de récusation énumérées à l’article L. 518-1 du Code du Travail (11è Ch.Soc. Cour d’appel de Versailles 28/05/91 – Cah.Prud’homaux. n̊4 de 1992 P.61) .

Arrêt de la 11ème chambre sociale de la cour d’appel de Versailles en date du 28 mai 1991
LACOUR:
LA COUR D’APPEL DE VERSAILLES, onzième chambre sociale, a rendu l’arrêt suivant:
Sur la demande non datée, parvenue le 8 mars 1991 au secrétariat-greffe du conseil de prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT, présentée au nom de Monsieur Thierry d’AUMALE, demeurant à PARIS (17ème ), 20, avenue des Ternes, par Maître Serge SADOUN, avocat au barreau de PARIS, afin de solliciter le renvoi pour cause de suspicion légitime devant un conseil de prud’hommes autre que celui de BOULOGNE-BILLANCOURT de l’affaire opposant Monsieur d’AUMALE à la société anonyme GRANADA DISTRIBUTION, dont le siège social est à MALAKOFF (Hauts-de-Seine), 55, rue Etienne Dolet, – demande transmise par lettre du 25 avril 1991 du président du conseil de prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT au premier président de la cour d’appel de VERSAILLES;
LA COUR, après examen de la requête et de ses annexes en chambre du conseil le 21 mai 1991;
Sur le rapport de M. le Conseiller GARREC, les réquisitions de Monsieur DUPLAT, substitut du procureur général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Vu les articles 356 et 359 du nouveau code de procédure civile;
Vu la lettre de transmission, portant avis défavorable du président du conseil de prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT, de la requête formée au nom de M. d’AUMALE par Maître SADOUN tendant au renvoi de l’affaire d’AUMALE c/GRANADA DISTRIBUTION pour cause de suspicion légitime devant un conseil de prud’hommes autre que celui de BOULOGNE-BILLANCOURT, dont la section d’encadrement est actuellement saisie, en se fondant sur l’article 341, alinéa 8, du nouveau code de procédure civile;
Considérant qu’à l’appui de la requête précitée Maître SADOUN expose qu’en juillet 1990 un incident l’avait opposé à la section d’encadrement du conseil de prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT à la suite du renvoi à l’audience du 11juillet 1991 de l’affaire dans laquelle il est le conseil de Monsieur d’AUMALE, en raison du récent redressement judiciaire de la société GRANADA DISTRIBUTION, – qu’il avait vainement tenté d’obtenir la fixation des débats à une date plus rapprochée,
– qu’il avait dû saisir à cette occasion le premier président de la cour d’appel de VERSAILLES de ce conflit à cause des «propos diffamatoires dont il s’estimait victime», – et que ces circonstances avaient nui au climat de confiance entre son client et lui ; qu’il fait état de ce que le conseil de prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT (section de l’encadrement) a, par jugement du 6 décembre 1990, entièrement débouté sa cliente, Mademoiselle MEYER, de son instance contre la société CEGOS et qu’il doit avoir «l’intime conviction que cette décision, non justifiable en droit et en fait, est inspirée par une «inimitié notoire» que lui a vouée ce conseil de prud’hommes;
Considérant qu’il importe de souligner qu’après l’incident né du renvoi lointain de l’affaire d’AUMALE c/GRANADA DISTRIBUTION, Maître SADOUN avait tenu à écrire le 27 septembre 1990 au conseil de prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT, à l’attention du président de sa section de l’encadrement, qu’ayant regagné la confiance de son client, il acceptait «les regrets exprimés par le conseil» et qu’il avait donc fait connaître au premier président de la cour d’appel qu’il souhaitait «en rester là» ; que, cet incident étant ainsi déclaré clos, il est surprenant que Maître SADOUN veuille à nouveau l’exploiter pour se prétendre victime de l’«inimitié notoire» de cette juridiction prud’homale au prétexte qu’il a perdu ultérieurement devant elle une autre affaire qu’il estimait devoir gagner;
Considérant que, selon l’article 356 du nouveau code de procédure civile, «la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime est assujettie aux mêmes conditions de recevabilité et de forme que la demande de récusation» ; que Maître SADOUN a précisé qu’il fonde sa requête sur les dispositions de l’article 341, alinéa 8, dudit code ; qu’aux termes de ce texte : «La récusation d’un juge n’est admise que pour les causes déterminées par la loi (…) sauf dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d’un juge peut être demandée : (…) 8̊ s’il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l’une des parties»
Considérant que l’article L. 518-1 du code du travail, – auquel Maître SADOUN ne se réfère nullement dans sa requête précitée, – énumère aussi cinq cas particuliers dans lesquels les conseillers prud’hommes peuvent être récusés ; qu’aucun des cas qu’il énonce n’est apparemment applicable à la présente espèce;
Considérant que, Maître SADOUN n’invoquant pas l’existence d’une inimitié notoire entre les membres du conseil de prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT et Monsieur Thierry d’AUMALE dont il est l’avocat, la requête n’est pas recevable;
PAR CES MOTIFS:
DECLARE IRRECEVABLE la requête afin de renvoi pour cause de suspicion légitime présentée au nom de Monsieur Thierry d’AUMALE et concernant les membres du conseil de prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT;
CONDAMNE M. d’AUMALE aux dépens de l’incident, mais le dispense de condamnation à l’amende civile prévue par l’article 353 du nouveau code de procédure civile.
M. d’AUMALE ET Me SADOUN c/ CPH BOULOGNE BILLANCOURT (11è Ch.Soc. Cour d’appel de Versailles 28/05/91 – Cah.Prud’homaux. n̊4 de 1992 P.61) .

Nécessité d’une raison objective de douter de l’indépendance et de l’impartialité du conseil de prud’hommes

 

● La circonstance qu’un membre du conseil de prud’hommes, ne figurant pas dans la composition de la section appelée à statuer sur l’affaire, ait donné publiquement son opinion sur le litige n’est pas de nature à mettre en cause l’impartialité de l’ensemble de ses membres (Cass. Soc. 26/01/2005 n̊03-18004 Légifrance).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 26 janvier 2005
Vu leur connexité, joint les pourvois H 03-18.004, G 03-18.005, J 03-46.181 et K 03-46.182 ;
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Attendu que la société Renault France automobile Nord (RFA Nord) a licencié en février 1993 pour faute grave MM. X… et Y… ; qu’ils ont attrait leur employeur devant le conseil de prud’hommes pour contester le bien fondé de leur licenciement ; que la société RFA Nord a demandé le renvoi pour cause de suspicion légitime de la juridiction saisie au motif que son président avait pris publiquement partie en faveur des salariés ;
Attendu que l’employeur fait grief aux arrêts attaqués (Douai, 2 juillet 2003) d’avoir rejeté sa demande de renvoi pour cause de suspicion légitime alors, selon le moyen :
1 ) qu’il résulte des propos tenus par le président du conseil de prud’hommes que celui-ci s’était immiscé dans la conduite du procès entre la société RFA Nord et les salariés en critiquant la hiérarchie de l’entreprise et en affirmant que la CGT allait gagner devant la juridiction qu’il présidait ; que de tels éléments sont de nature à porter atteinte à la confiance légitime que le justiciable est en droit d’attendre de la juridiction à laquelle il s’adresse ; les propos ainsi tenus créent, pour le moins, une apparence en vertu de laquelle le justiciable est légitimement amené à ne plus accorder sa confiance à l’ensemble de la juridiction ; qu’en statuant, comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 356 du nouveau Code de procédure civile et L. 518-1 du Code du travail ;
2 ) que le fait que la cause puisse être évoquée devant une formation où ne siégerait pas l’auteur des propos litigieux, ainsi que le relève l’arrêt attaqué, n’est pas de nature à permettre au justiciable de se faire une représentation exacte des pouvoirs réels ou supposés dont le président de cette juridiction a fait état publiquement, en affirmant certain le résultat de la cause en cours, de sorte qu’en se déterminant par la seule circonstance qu’il n’y aurait pas identité entre M. Z…, pris en sa qualité de responsable local du syndicat CGT et de président du conseil de prud’hommes, et les juges auxquels l’affaire sera distribuée, la cour d’appel s’est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 356 du nouveau Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
3 ) que la violation délibérée de l’obligation de réserve par le président de la juridiction sur l’issue d’un procès dans lequel il s’est immiscé en conseillant une partie, constitue, contrairement à l’appréciation de la cour d’appel, une circonstance objective de nature à faire naître un doute sur l’impartialité et l’indépendance du tribunal appelé à statuer, de sorte que la cour d’appel a derechef violé les articles 356 du nouveau Code de procédure civile, L. 518-1 du Code du travail et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la circonstance qu’un membre du conseil de prud’hommes, ne figurant pas dans la composition de la section appelée à statuer sur l’affaire, ait donné publiquement son opinion sur le litige n’est pas de nature à mettre en cause l’impartialité de l’ensemble de ses membres ; que la cour d’appel, qui a constaté que l’auteur des propos tenus à l’encontre de l’employeur n’appartenait pas à la section saisie du litige, a pu décider qu’il n’existait aucune raison objective de douter de l’indépendance et de l’impartialité du conseil de prud’hommes justifiant le renvoi de l’affaire devant une autre juridiction pour cause de suspicion légitime ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Renault France automobile aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille cinq.
(Cass. Soc. 26/01/2005 N̊ de pourvoi : 03-18004 Légifrance )

● Le défaut d’impartialité d’une juridiction ne peut résulter du seul fait que les magistrats saisis d’une requête aux fins d’interprétation et de rectification d’un jugement soient les mêmes que ceux qui ont rendu cette décision (Cass. 2ème Civ. 03/03/11 N̊ de pourvoi: 11-01191) .

Arrêt de la 2ème Chambre civile de la cour de cassation du 3 mars 2011
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Vu l’article 356 du code de procédure civile ;
Vu la transmission au premier président de la Cour de cassation, par le premier président de la cour d’appel de X…, de la demande déposée par M. Y…, avocat au barreau de A…, tendant au renvoi devant une autre cour d’appel, pour cause de suspicion légitime, de la requête aux fins de rectification et d’interprétation de l’arrêt rendu le 11 mars 2010 par la première chambre B de la cour d’appel qui a accueilli sa demande de renvoi de l’affaire d’honoraires l’opposant à M. B…, avocat au barreau de C… et qui a désigné le bâtonnier de l’ordre des avocats de X… pour connaître de l’affaire ;
Vu l’avis du premier président de la cour d’appel de X… ;
Attendu qu’au soutien de sa demande de dessaisissement, M. Y… expose que la première chambre B de la cour d’appel, qui a déjà connu de l’affaire, a désigné en connaissance de cause comme juridiction de renvoi le bâtonnier de X… dont il souligne la proximité avec le bâtonnier de Marseille ; que M. Y… considère que cette désignation est à l’origine de l' »imbroglio actuel » ;
Mais attendu qu’il appartient à tout juge d’interpréter sa décision ;
Et attendu que le défaut d’impartialité d’une juridiction ne peut résulter du seul fait que les magistrats saisis d’une requête aux fins d’interprétation et de rectification d’un jugement soient les mêmes que ceux qui ont rendu cette décision;
Attendu enfin qu’il ne résulte ni de la requête ni du dossier des éléments laissant peser sur l’ensemble des magistrats de la cour d’appel de X… un soupçon légitime de partialité ;
D’où il suit que la requête n’est pas fondée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE la requête ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, en audience en chambre du conseil, et prononcé par le président en son audience en chambre du conseil du trois mars deux mille onze.
N̊ de pourvoi: 11-01191 Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix en Provence du 17 janvier 2011

Le sexe n’est pas un motif de suspicion légitime

● Le seul fait qu’une juridiction collégiale soit composée de juges du même sexe n’est pas, en soi, de nature à faire peser sur ces juges un quelconque soupçon légitime de partialité. Cette circonstance ne méconnaît pas davantage les exigences du procès équitable. (Cass.2 ème Civ. – 16 septembre 2010. n̊ 10-01.121. BICC733 N̊ 1892).

 

● La circonstance qu’un membre du conseil de prud’hommes, ne figurant pas dans la composition du bureau de jugement appelé à statuer sur le litige, se soit publiquement prononcé contre une partie n’est pas de nature à faire naître un doute légitime sur l’impartialité de la juridiction dans son ensemble. La cour d’appel ayant constaté que l’affaire avait été distribuée à une formation ne comportant pas la personne récusée, elle a donc pu décider qu’il n’existait pas de raison objective de douter de l’impartialité de cette juridiction. (Cass. soc., 7 févr. 2006, n 03-46.290 D-Sem.Soc.lamy n̊ 1276).

.COUR DE CASSATION PARTIALE
Tout en soulignant généralement que la contribution des magistrats à la diffusion du droit s’inscrit dans le cadre de leurs fonctions, la Cour européenne des droits de l’homme constate, dans l’affaire Wolter Kluwers France tranchée par la Cour de cassation le 28 février 2018 (n̊ 16-50.015), que les relations professionnelles de trois conseillers avec l’une des parties à la procédure étaient régulières, étroites et rémunérées, ce qui suffit à établir qu’ils auraient dû se déporter et que les craintes des requérants quant à leur manque d’impartialité pouvaient passer pour objectivement justifiées en l’espèce. Il s’ensuit qu’il y a eu violation de l’article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme. (CEDH 14 déc. 2023, n̊ 41236/18) DALLOZ ACTUALITE DU 10 janvier 2024

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IV/ INTERRUPTION DE L’INSTANCE

A/ Définition

Il s’agit d’un incident qui, en matière de prescription, arrête le cours du délai et anéantit rétroactivement une des causes énumérées par les articles 369 et 370 du code de procédure civile.

1̊) Interruption de plein droit et automatique

L’interruption d’instance est automatique à la suite de la survenance de l’un des trois événements suivants:

– majorité des plaideurs: Devant le conseil de prud’hommes, le mineur est assisté et non représenté par ses représentants légaux et il peut être autorisé par le conseil de prud’hommes à agir seul. L’article L1453-1 (ex art.L.516.1) du code du travail dispose à cet effet : « Les mineurs qui ne peuvent être assistés de leur père, mère ou tuteur peuvent être autorisés par le conseil de prud’hommes à agir devant lui. »

– cessation de fonctions de l’avocat ou de l’avoué lorsque la représentation est obligatoire :

Le ministère d’avocat et le ministère d’avoué n’étant pas obligatoires, les actes de procédure sont accomplis directement par le justiciable.

– jugement déclaratif de redressement ou liquidation judiciaire : L’article L625-5 du code de commerce permet la poursuite de l’instance avec mise en cause du mandataire de justice et de l’A.G.S (Association de garantie des salaires CGEA-AGS).

2̊) Interruption subordonnée à une notification adressée à l’autre partie.

En vertu de l’article 370 du code de procédure civile l’instance sera interrompue dans la mesure où une notification aura été adressée à la partie adverse à la suite de la survenance :

-du décès d’une partie

-de la cessation de fonctions du représentant légal d’un incapable

-du recouvrement ou de la perte par une partie de sa capacité d’ester en justice.

B/ Conditions

Pour que l’instance soit interrompue, il faut que l’événement ou sa notification survienne avant l’ouverture des débats.

En aucun cas l’instance n’est interrompue si 1’événement survient ou est notifié après l’ouverture des débats (article 371 du code de procédure civile).

C/ Reprise d’instance

L’instance peut être volontairement reprise dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense. A défaut de reprise volontaire, elle peut l’être par voie de citation (article 373 du code de procédure civile). L’instance reprend son cours en l’état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue (article 374 du code de procédure civile).

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V/ SUSPENSION DE L’INSTANCE

 

A/ Définition

Certains incidents constituent un obstacle momentané à la poursuite de l’instance, celle-ci peut être continuée lorsque l’incident est réglé. Le code de procédure civile distingue deux situations qui suspendent l’instance: le sursis à statuer et la radiation.

L’instance est suspendue soit à la requête des parties, soit lorsque les circonstances l’exigent, soit lorsqu’une question préjudicielle doit être tranchée.

B/ Le Sursis à statuer

Il est imposé par la loi ou bien rendu nécessaire par les circonstances :

– si la compétence est contestée (jusqu’à l’expiration du délai pour former contredit et en cas de contredit, jusqu’à l’arrêt de la cour d’appel (article 81 du code de procédure civile),

– s’il y a récusation d’un conseiller prud’homme,

– si une procédure répressive ayant une influence sur la solution du litige prud’homal est en cours (Cf. Infra),

– si l’issue du litige dépend d’une question préjudicielle qui doit être tranchée par un autre tribunal,

– si l’issue du litige dépend de l’appréciation de la légalité d’une décision administrative (cas du licenciement du salarié protégé autorisé par l’inspecteur du travail).

Le sursis à statuer ne dessaisit pas le conseil de prud’hommes. A l’expiration du délai imparti ou après la survenance de la décision attendue, l’instance reprend son cours d’office ou à la diligence des parties selon les modalités prévues dans la décision de sursis à statuer.

La décision de sursis n’est susceptible d’appel que s’il est justifié d’un motif grave et légitime, l’appel doit alors être autorisé par le premier président de la cour d’appel saisi en référé.

Le sursis à statuer en vertu du principe «le criminel tient le civil en l’état»

Lorsque le juge pénal et le juge civil sont saisis en même temps d’une action qui repose sur les mêmes faits, le juge civil doit attendre que le juge pénal ait statué avant de pouvoir statuer.

L’article 4 du code de procédure pénale dispose : “L’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. »

 

● La règle «le criminel tient le civil en l’état» n’est pas une fin de non-recevoir que le juge serait tenu de relever d’office en raison de son caractère d’ordre public, mais constitue une exception tendant à suspendre le cours de l’action. La Cour d’Appel n’était donc pas tenue de surseoir à statuer dès lors qu’aucune demande en ce sens ne lui était soumise (Cass. soc., 6-2-1996 : 1996 8/129 – Tab.Triennale 96/98 cah.prudh – n̊819).

L’article 4 précité ne s’applique qu’à la double condition :

qu’il s’agisse des mêmes faits

que l’action publique soit effectivement engagée devant le tribunal compétent au moment où l’exception est soulevée devant le conseil de prud’hommes (l’action n’est engagée que par le réquisitoire introductif du procureur de la République ou bien par une plainte avec constitution de partie civile).

Affaire pénale de nature à exercer une influence sur la solution du litige.

● Prive sa décision de base légale une cour d’appel qui écarte une demande de sursis à statuer présentée sur le fondement de l’article 4 du code de procédure pénale sans s’expliquer sur les raisons pour lesquelles la décision pénale à intervenir n ‘est pas susceptible d’exercer une influence sur la solution de l’instance civile dont elle est saisie. (Cass. 2è Civ. 24/06/98 – Bull. 98 II n̊ 220).

Arrêt de la 2ème chambre civile de la cour de cassation du 24 juin 1998
Sur le moyen unique:
Vu l’article 4, alinéa 2, du code de procédure pénale, ensemble l’article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que les identités d’objet et de cause ne sont pas une condition d’application du premier des textes susvisés, lequel exige seulement que la décision à intervenir sur l’action publique soit susceptible d’influer sur celle qui sera rendue par la juridiction civile;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par acte du 9 juin 1993, M. Sibille a assigné devant le tribunal de grande instance M. Auque et Mme Pistolozzi, pour obtenir leur condamnation à lui payer 920 000 francs, correspondant au solde d’une somme de 1 200 000 francs, versée à M. Auque pour être placée auprès de Mme Pistolozzi en bons de caisse remboursables au 1er octobre 1993, et partiellement remboursée le
13 novembre 1992, par Mme Pistolozzi par un chèque de 200000 francs et le 16 novembre 1992 par M. Auque par un chèque de 80 000 francs, l’un et l’autre sur le Crédit agricole;
Attendu que pour écarter la demande de sursis à statuer présentée, sur le fondement de l’article 4 du Code de procédure pénale, par M. Auque, et condamner celui-ci seul au paiement réclamé par M. Sibille, la cour d’appel retient que si M. Auque justifie de l’instance pénale actuellement en cours, dans laquelle il a été mis en examen pour complicité d’escroquerie et d’exercice illégal de la profession de banquier commis par Mme Pistolozzi, poursuivie comme auteur principal, M. Sibille soutient qu’il n’est pas partie à cette procédure pénale et que le juge d’instruction n’est pas même saisi du litige, puisque c’est lui qui détient l’original du document intitulé « reçu des bons », signé par M. Auque et par Mme Pistolozzj, portant sur 1 200 000 francs; que, M. Auque ne démontre pas que la décision à intervenir sur l’action publique soit susceptible d’influer sur celle de la juridiction civile; que, l’action pénale, fondée sur la recherche d’auteur et de complice d’escroquerie ou d’exercice illégal de la profession de banquier, n’a pas la même cause que l’instance civile fondée sur une demande en paiement;
Qu’en se déterminant ainsi, tout en fixant à 920 000 francs le montant de la créance de M. Sibille, et sans s’expliquer sur les raisons pour lesquelles la décision pénale à intervenir n’était pas susceptible d’exercer une influence sur la solution de l’instance civile dont elle était saisie, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision;
PAR CES MOTIFS:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 juin 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Limoges.
N̊ 96-l8.842. M. Auque contre M. Sibille et autre. (Cass. 2è Civ. 24/06/98 – Bull. 98 II n̊ 220).

Plainte au pénal sans conséquence sur la décision du conseil de prud’hommes.

● C’est à bon droit que la Cour d’Appel a décidé qu’il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer dès lors que la plainte déposée par le salarié devant une juridiction n’était pas susceptible d’avoir une influence sur la décision prud’homale. (Cass.Soc. 10/12/91 – Cah.Prud’homaux n̊5 – 1992 p.80).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 10 décembre 1991
LA COUR:
Sur le premier moyen:
Attendu que M. Michard, engagé le 1er septembre 1975, en qualité de vendeur de joaillerie, par la société Chaumet, aux droits de laquelle vient la société Nouvelle Chaumet, a été licencié le 29septembre 1988, en raison de son refus d’accepter une modification de sa rémunération;
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 6 juillet 1990) d’avoir refusé de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision pénale sur la plainte déposée par le salarié pour escroquerie au jugement, alors que, selon le moyen, d’une part, que la procédure prud’homale étant orale, la cour d’appel est tenue de répondre aux moyens développés à la barre quand bien même ils n’auraient pas été soutenus dans les écritures des parties ; que, dés lors, en refusant de surseoir à statuer aux motifs que la plainte dont elle a pourtant constaté la réalité, n’était pas mentionnée dans les écritures du salarié, la cour d’appel a violé l’article R. 516-6 du Code du travail ; alors, d’autre part, que le pénal tient le civil en l’état ; qu’en refusant de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision définitive sur la plainte déposée contre X pour escroquerie au jugement, aux motifs qu’aucun élément ne permet de conclure qu’elle serait de nature à influer effectivement sur la solution du litige, sans préciser ni de quel jugement il s’agissait ni les éléments contenus dans la plainte, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle et, partant, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 4 du Code de procédure pénale;
Mais attendu que la cour d’appel, ayant relevé que la plainte n’était pas susceptible d’exercer une conséquence sur la décision prud’homale, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé;
Sur le second moyen:
Attendu que le salarié fait encore grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors que, selon le moyen, sous l’empire de l’article L. 122-14-2 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1986, l’énonciation des motifs de licenciement dans la lettre le notifiant lie le contentieux de telle sorte que l’employeur ne peut invoquer devant le juge des motifs qu’il n’a pas énoncé dans ladite lettre; que, dès lors, viole ce texte la cour d’appel qui, après avoir relevé que la société Nouvelle Chaumet n’avait pas fait référence à des difficultés économiques dans la lettre de notification du licenciement, ni même dans un courrier ultérieur répondant à une demande de notification des motifs du congédiement, considère néanmoins que le licenciement de l’exposant est justifié par les considérations économiques invoquées devant elle par l’employeur;
Mais attendu qu’il résulte des énonciations de la lettre de licenciement que celui-ci a été prononcé à la suite du refus par le salarié d’une modification substantielle du contrat de travail, consécutive à une réorganisation de l’entreprise ; que le moyen ri’est pas fondé;
PAR CES MOTIFS:
REJETTE le pourvoi.
M. MICHARD c/ SA NOUVELLE CHAUMET (Cass.Soc. 10/12/91 – Cah.Prud’homaux n̊5 – 1992 p.80).

Exclusion

Une plainte contre X ou une plainte simple n’engagent pas l’action publique et ne peuvent entraîner l’application de l’article 4 du code de procédure pénale.

DEVANT LE BUREAU DE CONCILIATION: Si l’exception est soulevée devant le bureau de conciliation, elle ne produit aucun effet car le bureau de conciliation est compétent nonobstant toute exception de procédure (article R1454-14 (ex art.R. 516-18) du code du travail). “Le bureau de conciliation peut, en dépit de toute exception de procédure et même si le défendeur ne se présente pas, ordonner :…/…”

DEVANT LE BUREAU DE JUGEMENT: Si l’exception est soulevée devant le bureau de jugement, l’exception doit être soulevée avant toute défense au fond, c’est à dire avant de plaider sur le fond du litige. Celui qui soulève l’exception prend la parole en premier, il est demandeur à l’exception. L’autre partie s’exprime en deuxième sur l’exception.

Le bureau de jugement doit s’assurer que l’action publique est effectivement engagée. Il appartient au demandeur à l’exception d’apporter cette preuve.

DEVANT LA FORMATION DE RÉFÉRÉ: Le processus est le même que celui développé devant le bureau de jugement.

● C’est à bon droit que la Cour d’Appel a décidé qu’il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer dès lors que la plainte déposée par le salarié devant une juridiction n’était pas susceptible d’avoir une influence sur la décision prud’homale. (Cass.Soc. 10/12/91 – Cah.Prud’homaux n̊5 – 1992 p.80).

Examen

Pour examiner si les conditions de sursis à statuer sont réunies, les conseillers peuvent :

• soit prononcer immédiatement leur décision (après une suspension d’audience);

• soit mettre l’affaire en délibéré à court terme.

Si les conditions fixées par l’article 4 du code de procédure pénale sont réunies, la formation du conseil doit surseoir à statuer dans l’attente de la décision pénale. Dès que la décision pénale est rendue l’affaire peut être réinscrite au rôle pour être examinée :

– s’il y a condamnation pénale le conseil de prud’hommes est lié par cette condamnation pour juger,

– s’il y a relaxe, non lieu ou acquittement, le conseil de prud’hommes est souverain pour prendre la décision qu’il estime devoir prendre.

Si les conditions de l’article 4 du code de procédure pénale ne sont pas réunies ou bien si le demandeur à l’exception n’apporte pas la preuve de ses dires, le conseil est souverain pour juger l’affaire.

Obligations du juge civil

● Les décisions de la juridiction pénale ont au civil autorité de chose jugée à l’égard de tous et il n’est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif (Cass.Soc. 10/12/91 Bull. 91 V n̊ 562).

● Si le salarié est condamné pénalement, le juge prud’homal ne pourrait, en aucun cas, considérer que le licenciement de l’intéressé est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 19/10/95 n̊3866D Cah. Soc. du Barreau de Paris n̊76 p.11).

Condamnation au pénal:

● Un salarié, déclaré coupable de vol par le tribunal correctionnel, est licencié par la suite pour faute grave. Cependant, les produits pris par le salarié étant sans valeur marchande, les juges du fond ont pu, sans méconnaître l’autorité de la chose jugée au pénal, considérer que le comportement du salarié n’était pas de nature à rendre impossible le maintien de ce dernier dans l’entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave. (Cass. soc., 27janv. 2000, n̊ 97-45.966, n̊524D – Jurisprudence Sociale Lamy n̊54 p.26).

Relaxe au pénal:

Si le salarié bénéficie d’une relaxe, 2 hypothèses sont à considérer:

1̊ le juge pénal a considéré que les faits reprochés n’étaient pas établis, dans ce cas le juge prud’homal en retenant les mêmes faits ne saurait décider que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, ni à fortiori grave ou lourde (Cass. Soc. 21/10/90 Cah. Soc. du Barreau de Paris n̊76 p.11).

2̊ le juge pénal a considéré que les faits reprochés à l’intéressée étaient matériellement établis mais a constaté une absence d’intention frauduleuse( au sens pénal du terme), dans ce cas le juge prud’homal peut considérer que les agissements de la salariée commis en contradiction avec les instructions de l’employeur constituaient une faute justifiant le licenciement (Cass. Soc. 14/11/91 Cah. Soc. du Barreau de Paris n̊76 p.11).

● Des salariés sont licenciés pour avoir commis des vols de marchandises. Mais, ayant été relaxés au pénal au motif que les faits qui leur étaient reprochés n’étaient pas établis, et la lettre de licenciement n’invoquant que le vol, par application de l’autorité de la chose jugée au pénal, le motif invoqué par l’employeur ne constitue pas une cause réelle et sérieuse. (Cass. soc., 8 févr. 2000, n̊ 97-45.426, n̊ 772 D – Jurisp.Sociale Lamy – N̊ 54 – 21/03/000 p. 26).

 

Le principe « le criminel tient le civil en l’état» ne s’applique pas devant le formation de référé ● L’article 4 du Code de procédure pénale est inapplicable devant la juridiction des référés dont les décisions sont dépourvues, au principal, de l’autorité de chose jugée (2ème CIV. – 24 juin 2004. N̊ 02-17.383 – BICC607 N̊1613).

 

C/ La radiation

Elle sanctionne, dans les conditions de la loi, le défaut de diligence des parties. Elle emporte retrait de l’affaire du rang des affaires en cours. C’est une mesure d’administration judiciaire qui n’est susceptible d’aucun recours.

Une demande conjointe de radiation formées par les parties s’impose au juge

 

● Si les parties ont la libre disposition de l’instance, l’office du juge est de veiller au bon déroulement de celle-ci dans un délai raisonnable.

La faculté d’accepter ou de refuser le renvoi d’une affaire fixée pour être plaidée, relève du pouvoir discrétionnaire du juge, dès lors que les parties ont été mises en mesure d’exercer leur droit à un débat oral.

Au cas où les parties conviennent de ne pas déposer leur dossier, le juge peut procéder à la radiation de l’affaire.

Si les parties considèrent de leur intérêt d’éviter ou de différer une solution judiciaire, elles ont la possibilité de suspendre le cours de l’instance enfermant une demande conjointe de radiation qui s’impose au juge.(Cour de cassation assemblée plénière 24/11/89 Bull. 89 n̊3).

Arrêt de l’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE de la cour de cassation du 24 novembre 1989
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 1988), que dans une instance en divorce suivie devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence, les avocats,
après renvoi convenu des débats de l’audience du 28 octobre 1987 à celle du 20 janvier 1988, ont présenté, par lettre du 8 janvier 1988, une nouvelle demande de remise qu’ils ont fait réitérer par leurs collaborateurs à cette audience ; que le Tribunal leur a opposé un refus, a mis la cause en délibéré et a invité les avocats des parties à lui adresser leurs dossiers avant le 16 mars 1988 ; que, le 25 janvier 1988, le conseil de l’Ordre des avocats au barreau d’Aix-en-Provence a pris une délibération élevant « la protestation la plus solennelle à l’égard de la décision (du 20 janvier 1988) », en énonçant d’abord que « seuls les avocats en accord avec leurs clients disposent du droit de savoir s’ils peuvent se contenter d’un dépôt de dossier ou plaider » et ensuite « qu’il appartient aux parties seules de donner à leur affaire les développements qu’elles estiment conformes à leurs intérêts et qu’en l’espèce ces dernières, par l’intermédiaire de leur conseil respectif, avaient manifesté leur accord pour un déplacement de l’affaire » ; que, sur le recours formé par le procureur général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’arrêt attaqué a annulé les dispositions précitées de la délibération déférée ;
Attendu que le conseil de l’Ordre fait grief à l’arrêt d’avoir ainsi statué alors, selon le moyen, d’une part, que le juge, lorsqu’il rejette une demande conjointe de renvoi, doit, pour assurer le droit des parties à débattre oralement leur cause devant lui, faire sortir l’affaire du rôle ; que, comme l’indiquaient les conclusions du conseil de l’Ordre, le Tribunal n’avait pu imposer aux parties un jugement sur dossier sans méconnaître leur droit à l’oralité des débats et à un procès équitable au sens de la Convention européenne des droits de l’homme ; que la cour d’appel, en censurant sur ce point les critiques justifiées de la délibération, a laissé lesdites conclusions sans réponse et a violé les articles 14 et 16 du nouveau Code de procédure civile et l’article 6 de la Convention ; et alors, d’autre part, qu’en matière privée et particulièrement en matière de divorce, les parties ne sauraient être jugées malgré elles ; que le Tribunal, en décidant de procéder au jugement contre leur volonté commune, alors qu’il ne pouvait que prononcer la radiation administrative de l’affaire, avait, comme le montraient les conclusions du conseil de l’Ordre, méconnu les principes directeurs du procès civil et le droit des parties à un procès équitable ; qu’en annulant le motif de la délibération suivant lequel il appartient aux seules parties de donner à leur affaire les développements qu’elles estiment conformes à leurs intérêts, la cour d’appel a omis de répondre auxdites conclusions et a violé les articles l et 2 du nouveau Code de procédure civile et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme;
Mais attendu que si les parties ont la libre disposition de l’instance, l’office du juge est de veiller au bon déroulement de celle-ci dans un délai raisonnable ; que la faculté d’accepter ou de refuser le renvoi, à une audience ultérieure, d’une affaire fixée pour être plaidée, relève du pouvoir discrétionnaire du juge, dès lors que les parties ont été mises en mesure d’exercer leur droit à un débat oral ; que si les parties conviennent de ne pas déposer leur dossier, le juge peut procéder à la radiation de l’affaire ;
Et attendu qu’après avoir énoncé qu’au cas où les parties considèrent de leur intérêt d’éviter ou de différer une solution judiciaire, elles ont la possibilité de suspendre le cours de l’instance en formant une demande conjointe de radiation, laquelle s’impose alors au juge, l’arrêt retient à bon droit, répondant aux conclusions, que la délibération du conseil de l’Ordre est contraire aux dispositions réglementaires en vigueur en ce qu’elle tend à faire admettre que les juridictions se trouveraient liées par les demandes de renvoi présentées par les représentants des parties ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé :
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
N̊ 88-18-188 (Cour de cassation assemblée plénière 24/11/89 Bull. 89 n̊3)

Les conseillers ne peuvent prononcer une radiation si la caducité est demandée par le défendeur

●La formation de référé saisie de la demande de caducité de la part du défendeur ne pouvait écarter celle-ci et prononcer la radiation, dès lors que les conditions en étaient réunies, à savoir que le demandeur qui avait introduit l’instance de référé, n’avait pas daigné comparaître. (Ch.soc.Cour d’appel de Caen 09/05/89 – Cah.Prud’homaux n̊10 – 1989 p.165).

Art. 381. du code de procédure civile

La radiation sanctionne, dans les conditions de la loi, le défaut de diligence des parties.

Elle emporte suppression de l’affaire du rang des affaires en cours.

Elle est notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu’à leurs représentants. Cette notification précise le défaut de diligence sanctionné.

Art. 382. du code de procédure civile

Le retrait du rôle est ordonné lorsque toutes les parties en font la demande écrite et motivée.

Art. 383. du code de procédure civile

La radiation et le retrait du rôle sont des mesures d’administration judiciaire.

A moins que la péremption de l’instance ne soit acquise, l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties.

La demande de radiation peut être formulée à l’audience ou bien par courrier avant l’audience. dans ce dernier cas, il est impératif d’aviser l’adversaire de la demande de radiation pour lui éviter un déplacement inutile (voir page suivante un modèle de lettre).

Lettre pour demander la radiation
 
OBJET: Demande de radiation
REFER: Affaire___________________/_________________ R.G. N̊___________________
Section ___________________
Audience du ________________
 
 
Monsieur Président,
 
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que je sollicite la radiation de l’instance au motif que :
□ Le dossier n’est pas en état d’être examiné
□ Des pourparlers transactionnels sont en cours
□ J’attends le règlement définitif de mes créances
 
J’ai connaissance que la radiation suspend l’instance et qu’elle peut être rétablie sur simple requête .
Afin de respecter le principe du contradictoire, j’adresse copie de ce courrier à mon adversaire.
 
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments respectueux.
Les parties peuvent à tout moment faire rappeler l’affaire en audience, en déposant une requête.
OBJET: Demande de rétablissement d’instance après radiation
REFER: Radiation du ______________
Affaire________________/_________________
R.G. N̊___________________
Section ___________________
 
 
Monsieur le Greffier en Chef ,
 
J’ai l’honneur de vous demander le rétablissement de l’instance citée en référence :
□ Le dossier est en état d’être examiné
□ Les diligences qui avaient été demandées ont été accomplies
 
Veuillez agréer, Monsieur le Greffier en Chef , l’expression de mes sentiments distingués.

La radiation ne fait pas obstacle à la poursuite de l’instance, après rétablissement de l’affaire, s’il n’y a, par ailleurs, péremption.

D / Retrait du rôle

Le retrait du rôle est ordonné lorsque toutes les parties en font la demande écrite et motivée. (Art. 382. du code de procédure civile ).

● Viole l’article 382 du code de procédure civile la cour d’appel qui décide de ne pas faire droit à une demande motivée des parties aux fins de retrait du rôle. (Cass.2e Civ. – 17 février 2011. N̊ 10-14.863. BICC744 N̊ 770).

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VI/ RÉTABLISSEMENT DE L’INSTANCE

La demande de rétablissement de l’affaire s’analyse, comme une reprise de l’instance initiale et non comme l’introduction d’une nouvelle instance

● La décision de radiation est une mesure d’administration judiciaire qui ne fait pas obstacle à la poursuite de l’instance, après rétablissement de l’affaire s’il n’y a par ailleurs péremption.

La demande de rétablissement de l’affaire s’analyse, non comme l’introduction d’une nouvelle instance, mais comme une reprise de l’instance initiale et demeure soumise, quant au taux de compétence en dernier ressort, par les dispositions en vigueur lors de l’introduction de l’instance.(Cass.Soc 27/03/91 Bull. 91 – V – n̊ 157).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 27 mars 1991
Sur le moyen unique :
Vu les articles 382 et 383 du nouveau Code de procédure civile et R. 517-3 du Code du travail;
Attendu que, selon les deux premiers de ces textes, la décision de radiation est une mesure d’administration judiciaire qui ne fait pas obstacle à la poursuite de l’instance, après rétablissement de l’affaire, s’il n’y a, par ailleurs, péremption; qu’il en résulte que la demande de rétablissement de l’affaire s’analyse, non comme l’introduction d’une nouvelle instance soumise à la régle fixant à ce moment le taux de compétence en dernier ressort de la juridiction, mais comme une demande de reprise de l’instance initiale qui demeure régie, quant au taux de compétence en dernier ressort, par les dispositions en vigueur lors de son introduction ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que M. Cochard et les trois autres salariés en cause ont, en juillet et octobre 1982, saisi le conseil de prud’hommes de demandes dirigées contre leur ancien employeur, M. Touchet, que les demandes ont été jointes et qu’est intervenue, le 13 septembre 1983, une décision de radiation à la suite de laquelle les salariés se sont soumis à la procédure de vérification de leurs créances en raison de la liquidation des biens de l’employeur, désormais représenté par M. Martin, syndic ; que, par jugement du 18 septembre 1985, le tribunal de commerce a sursis à statuer sur l’admission de ces créances dans l’attente de
la décision de la juridiction prud’homale et que les salariés ont alors à nouveau saisi le conseil de prud’hommes ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les appels formés par les salariés contre le jugement du conseil de prud’hommes, l’arrêt énonce qu’il est acquis aux débats qu’aucun des demandeurs initiaux n’avait présenté au conseil de prud’hommes de chef de réclamation d’un montant égal ou supérieur à 13 000 francs, que, pour chaque plaideur, le jugement est sans appel lorsqu’aucun des chefs de demande initiale ou incidente ne dépasse à lui seul le taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud’hommes, que le taux du ressort s’apprécie d’après la demande telle qu’elle résulte des dernières conclusions des demandeurs et que, pour le cas de l’espèce, au moment des dernières conclusions, ce taux s’élevait à 13 000 francs ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors que le décret du 12 décembre 1984, fixant à 13 000 francs le taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud’hommes, n’était pas applicable à l’instance qui, reprise et non périmée, demeurait soumise au décret du ler septembre 1981 en vigueur lors de son introduction, et fixant à 7 000 francs le taux du dernier ressort, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 janvier 1988, entre les parties, par la cour d’appel d’Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rennes.
N̊ 88-41.526 (Cass.Soc 27/03/91 Bull. 91 – V – n̊ 157).

L’intervention volontaire d’un tiers à l’instance ayant été radiée ne peut produire aucun effet

● Seules les parties à l’instance radiée pouvant en réclamer le rétablissement, après accomplissement des diligences dont le défaut avait été sanctionné, c’est à bon droit qu’une cour d’appel retient que l’intervention volontaire d’un tiers à l’instance ayant été radiée ne peut produire aucun effet. (2ème Civ. – 21juin 2007.N̊ 06-12.233. BICC 670 N̊2199).

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VII / EXTINCTION DE L’INSTANCE

 

A/ Principe

En matière prud’homale c’est, en principe, la conciliation totale ou le jugement qui met fin à l’instance, mais celle-ci peut s’éteindre de plusieurs autres manières : acquiescement, désistement, péremption, caducité.

B/ L’acquiescement

C’est la reconnaissance volontaire par le défendeur de l’exactitude des prétentions du demandeur (article 408 du code de procédure civile). L’acquiescement peut être exprès ou tacite, mais il doit toujours être certain. On peut acquiescer à la demande ou au jugement :

L’acquiescement à la demande entraîne reconnaissance du bien-fondé des prétentions avancées par le demandeur.

Le jugement rendu donne acte au demandeur de ce que le défendeur reconnaît le bien-fondé de ce qui est demandé.

L’acquiescement au jugement est la renonciation à exercer une voie de recours. L’article 410 alinéa 2 du code de procédure civile précise que l’exécution sans réserve d’un jugement non encore exécutoire vaut acquiescement. (Cf. Chapitre 9 – section 2).

● L’acquiescement peut être implicite mais il doit être certain et non équivoque ( Cass. soc., 14 avr. 1999 : TPS 1999, comm. 296 ; Juris-Data n̊ 001763).

Le défaut du défendeur ne vaut pas acquiescement

● La seule absence du défendeur ne peut impliquer de sa part un acquiescement aux prétentions du demandeur. (Cass.Soc 14/04/76 Cahiers Prud’homaux n̊ 10 de 1976).

Arrêt de la Chambre sociale de la cour de cassation du 14 avril 1976
LA COUR:
Sur le troisième moyen
Vu l article 102 du décret du 20. juillet 1972
Attendu que pour condamner Cosson à payer à Meunier, ancien maçon à son service, diverses sommes à titre de prime, de salaire et de perte de temps et lui enjoindre la remise de certificat de congés payés, le Conseil de Prud hommes se borne à énoncer que le défendeur n’était pas comparant et que la demande était régulière, recevable et bien fondée après vérification; qu’en statuant ainsi, par des motifs dont la généralité ne permet pas à la Cour de Cassation d’exercer son contrôle et alors que la seule absence de Cosson ne pouvait Impliquer de sa part un acquiescement aux prétentions du demandeur, le Conseil de Prud hommes a méconnu les exigences du texte. susvisé;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule le jugement rendu le 16 décembre 1974, entre les parties par le conseil de prud’hommes de Paris
Cosson c/ Meunier (Cass.Soc 14/04/76 Cahiers Prud’homaux n̊ 10 de 1976).

Le fait pour de s’en rapporter à justice

● Le fait pour une partie, de s’en rapporter à justice sur le mérite d’une demande implique de sa part, non un acquiescement à cette demande, mais la contestation de celle-ci (Cass. 1ère civ., 21 oct. 1997; Gasne et a. c/ Banque populaire Toulouse-Pyrénées : Juris-Data n̊ 004148 – pourvoi n̊ X 95-16.224 c/ CA Toulouse, 8 nov. 1994 – JCP 1997 N̊49 / IV / 2385).

Acceptation du règlement des sommes allouées par un jugement non assorti de l’exécution provisoire

● L’acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours; il peut être exprès ou implicite mais doit toujours être certain, c’est-à-dire résulter d’actes incompatibles avec la volonté de former un recours et démontrant avec évidence l’intention de la partie à laquelle on l’oppose d’accepter la décision intervenue. Tel est le cas de l’acceptation du règlement des sommes allouées par un jugement non assorti de l’exécution provisoire. (CA Rouen, 9nov. 1995 ; MmeHagnère c/Chesnault eta. : Juris-Data n̊053739).

 

● Les condamnations au paiement d’une provision prononcées par les juges du fond sont exécutoires de droit à titre provisoire, de sorte que leur paiement, même sans réserve, par la partie condamnée ne peut valoir acquiescement (pourvoi n̊97-12.709P+B c/CA Lyon, 6ech., 7oct. 1998).Cass. 2eciv., 18nov. 1999 ; Pierrefeu c/Veran : Juris-Data n̊004046.

 

● C’est à bon droit que la cour d’appel a déclaré l’appel irrecevable au motif que l’appelant avait acquiescé au jugement en encaissant sans réserve plusieurs chèques représentant le montant des condamnations prononcées par le jugement. La cour d’appel a pu déduire de la perception de ces chèques que l’appelant avait accepté sans équivoque les termes du jugement. (Cass. 2ème civ., R., 3juill. 1996 ; Ch. synd. de l’ameublement c/Sté Calysièges « Siège Center » eta. – pourvoi c/CA Riom, 10/11/93 (Juris-Data n̊002914).

 

● Est irrecevable l’appel interjeté par une partie à un litige qui s’est déroulé devant le conseil de prud’hommes dès lors que celle-ci a encaissé sans réserves un chèque représentant le montant de la condamnation prononcée par les juges du premier degré et doit être ainsi considérée comme ayant manifesté son intention d’acquiescer au jugement (Cass.Soc. 31/01/83 – Cah. Prud’homaux n̊ 3- 1984 p.43).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 31 janvier 1983
LA COUR:
Sur les deux moyens réunis
Attendu que M. Kiechle fait grief a l’arrêt attaqué d’avoir déclaré son appel irrecevable au motif qu’il avait acquiescé au jugement d’un conseil de prud’hommes ayant condamné son employeur, le Groupement d’intérêt économique Margot (GIEM) à lui payer certaines sommes d’argent, alors que, d’une part, en fondant sa décision sur une lettre qui ne lui avait pas été communiquée, l’arrêt aurait méconnu le principe de la contradiction et les droits de la défense, et alors que, d’autre part, le fait d’avoir encaissé le montant de la condamnation, pas plus que celui d’avoir interrogé la partie perdante sur son intention de payer ou de relever appel et celui d’avoir accepté les dispositions favorables du jugement, ne sauraient constituer une renonciation non équivoque au droit d’appel;
Mais attendu que la lettre prétendûment non communiquée à M. Kiechle émanait de l’avocat qui le représentait;
Et attendu que l’arrêt relève que cet avocat ayant interrogé par lettre le GIEM sur son intention de payer ou d’interjeter appel, celui-ci avait remis un chèque du montant de la condamnation, que M. Kiechle avait encaissé sans réserves; que la Cour d’Appel, sans encourir les critiques du moyen, a estimé que M. Kiechle avait ainsi manifesté son intention d’acquiescer au jugement et que son appel était dés lors irrecevable;
D’où il suit que le moyen, dépourvu d’objet en sa première branche, est pour le surplus mal fondé
PAR CES MOTIFS:
Rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 20 mars 1980 par la Cour d’Appel de Paris.
M. Kiechle c/ Groupement d’intérêt Economique Margot (GIE) (Cass.Soc. 31/01/83 – Cah. Prud’homaux n̊ 3- 1984 p.43).

C/ Désistement

C’est l’abandon, la renonciation du demandeur à l’instance ou à l’action.

Le désistement d’instance c’est l’offre du demandeur au défendeur qui accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement. Il ne touche pas le droit d’agir en justice, c’est la renonciation à l’instance engagée.

Le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance (article 394 du code de procédure civile).

Le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur. Toutefois, l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non recevoir au moment où le demandeur se désiste (article 395 du code de procédure civile).

Le désistement d’action c’est le renoncement à agir en justice.

 

●En application de l’article 396 du code de procédure civile, le juge peut déclarer le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime.

Le juge du fond dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier l’existence ou non du motif légitime. (2e Civ. – 3juillet2008. N̊ 07-1 6.130 BICC 692 n̊1805).

Jugement de désistement

Date de saisine : ___________________

Chefs de demande : ___________________________________________________________

 

Date de l’audience du bureau de conciliation : ___________________

 

Date de l’audience de jugement : _____________________________

 

[ ] A l’audience de ce jour, les parties ont comparu comme indiqué en première page.

 

[ ] A l’audience de ce jour, seule la partie ___________________ a comparu comme indiqué en première page.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES

 

La partie demanderesse s’est désistée de son instance

 

[ ] par déclaration faite au cours de l’audience ;

 

[ ] au motif que sa demande avait été satisfaite avant l’audience ;

 

[ ] au motif qu’elle n’entendait pas maintenir ses prétentions ;

 

La partie défenderesse

[ ] ne s’est pas opposée à de désistement.

[ ] a accepté expressément le désistement.

 

DÉCISION DU CONSEIL

 

Attendu qu’il convient de prendre acte de ce qui précède et de constater l’extinction de l’instance;

 

PAR CES MOTIFS

 

Le Conseil après en avoir délibéré conformément à la loi, par jugement public, ___________________ réputé contradictoire et en ___________________ ressort,

 

PREND ACTE DU DÉSISTEMENT D’INSTANCE.

 

DÉCLARE LE CONSEIL DESSAISI par suite de l’extinction de l’instance.

 

Laisse les dépens à la charge

[ ] des parties

[ ] de la partie ___________________

● La péremption et le désistement constituent deux causes d’extinction de l’instance (Cass.Soc. 8/10/98 Bull. 98 V n̊416).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 8 octobre 1998
Sur le moyen unique:
Vu les articles 385, 389 et 398 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que la péremption et le désistement constituent deux causes d’extinction de l’instance;
Attendu que, selon la procédure, M. Belhak a attrait son employeur, la société Billes et fils, devant la juridiction prud’homale et qu’après radiation, l’affaire a été rétablie le ler septembre 1992; que par jugement rendu le 15 avril 1993, le conseil de prud’hommes a constaté le désistement de M. Belhak; que dès le 1er avril 1993, le salarié a introduit une nouvelle demande fondée sur le même contrat de travail, déclarée recevable par un jugement du 15 septembre 1994 qui tranche une partie du principal et dont M. Belhak a relevé appel;
Attendu que pour déclarer l’instance périmée en application de l’article R. 516-3 du Code du travail, l’arrêt attaqué se borne à énoncer que le délai de péremption était expiré lors du rétablissement de l’affaire, sans que M. Belhak ait accompli les diligences mises à sa charge;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’employeur opposait à la demande nouvelle la péremption de l’instance initiale, et que, celle-ci étant éteinte par l’effet du désistement, sa péremption éventuelle ne pouvait constituer une cause d’extinction de la seconde instance, introduite antérieurement au désistement, la cour d’appel a violé les textes susvisés;
PAR CES MOTIFS:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 16 février 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Agen.
N̊ 96-42.325. M. Belhak contre société Billes et fils. (Cass.Soc. 08/10/98 Bull. 98 V n̊416).

●Le désistement ne peut intervenir postérieurement à la clôture des débats.(Cass.Soc 16/07/87 Bull. 87 – V – n̊ 514).

Arrêt de Chambre sociale de la cour de cassation du 16 juillet 1987
Vu la requête en rabat d’arrêt présentée par la société « Grand Sud-Ouest Industrie » ;
Attendu que par arrêt du 12 juin 1986 la chambre sociale de la Cour de Cassation a censuré une décision de la cour d’appel de Bordeaux ayant, le 8 novembre 1984, condamné la société
« Grand Sud-Ouest Industrie » à payer à Melle Dumartin les intérêts moratoires d’une somme allouée à titre de dommages intérêts :
Attendu que le 2 juin 1986 la société « Grand Sud-Ouest Industrie » s’était, par déclaration déposée au secrétariat-greffe de la Cour de Cassation, désistée de son pourvoi ;
Mais attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que le désistement est parvenue la Cour de Cassation le 2 juin 1986, après la clôture des débats le 13 mai 1986 ;
Que la demande ne saurait donc être accueillie ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE la requête.
N̊ 86-45.290. Société Grand Sud-Ouest Industrie contre Mlle Dumartin.Cass.Soc 16/07/87 Bull. 87 – V – n̊ 514

.

D/ La péremption d’instance

<> Les règles spécifiques à la matière prud’homale de la péremption ont été abrogées par la disparition des articles R. 1452-6 à R. 1452-8 du code du travail.
<> La règle de péremption spécifique applicable en matière prud’homale étant supprimée c’est la règle prévue à l’article 386 du code de procédure civile qui s’appliquera « l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ». Il ne sera plus nécessaire que la juridiction ait mis expressément des diligences à la charge des parties pour constater la péremption d’instance.

La péremption doit à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée, en général par le défendeur, avant tout autre moyen ; elle est de droit. Elle ne peut être relevée d’office par le juge. Il n’appartient qu’aux parties au procès de s’en prévaloir.

 

Acquisition de la péremption

 

La demande d’aide juridictionnelle ne constitue pas un acte interruptif

● Une demande d’aide juridictionnelle ne constitue pas une diligence au sens de l’article 386 du Code de procédure civile ( Cass. 2e civ., 19 mai 1998 ; pourvoi n̊ R 96-17.349 c/ CA Rennes, 30 oct. 1995 – JCP 1998 N̊29 / IV / 2552).

Le changement d’avocat ou d’avoué ne constitue pas un acte interruptif.

● Le changement d’avocat ou d’avoué qui n’est pas de nature à faire progresser l’affaire ne constitue pas une diligence susceptible d’interrompre l’instance et d’empêcher sa péremption. (Cass. 2ème CIV. – 18janvier2007 N̊ 05-21.034.. BICC 661 N̊1076).

La péremption doit être demandée

L’existence de la péremption s’apprécie à la date à laquelle il en est fait état.

La péremption ne saurait intervenir de plein droit. Elle doit être demandée à la juridiction de jugement seule compétente pour en apprécier le bien-fondé (cour d’appel de paris l ère Ch. 25.10.85 3/42).

 

● La péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen. (Cass. 2ème Civ 15/02/95 – Bull. 95 – II – n̊ 53).

Arrêt de la 2ème Chambre civile de la cour de cassation du 15 février 1995
Sur le troisième moyen :
Vu l’article 388 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Costa a fait appel d’un jugement l’ayant débouté de ses demandes à l’égard de la chambre de commerce et d’industrie de Strasbourg (la CCI) ; que l’affaire a été radiée, puis rétablie à la requête de l’intimée qui a soulevé la péremption de cette instance ;
Attendu que pour admettre cette exception, l’arrêt retient que la CCI avait, « en invoquant la tardiveté des conclusions d’appel pour qualifier l’appel et les conclusions d’irrecevables, nécessairement soulevé la péremption de l’instance » ; qu’en statuant ainsi alors qu’il résulte des productions qu’antérieurement aux conclusions de l’appelant, la CCI avait, non seulement demandé le rétablissement de l’affaire, mais aussi conclu à la confirmation du jugement, et, par là-même, avait conclu au fond ;
Qu’ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 mars 1993, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Metz.
N̊ 93-13.960. M. Costa contre chambre de commerce et d’industrie de Strasbourg.
(Cass. 2ème Civ 15/02/95 – Bull. 95 – II – n̊ 53).

● Le juge, qui ne peut relever d’office la péremption, ne peut retenir un temps de péremption qui n’est pas invoqué par les parties.(Cass. 2ème Civ. 13/01/00 – Bull. 2000 II n̊ 7).

Arrêt de la 2ème chambre civile de la cour de cassation du 13 janvier 2000
Attendu, selon 1′ arrêt attaqué, que M. Carpin a relevé appel d’un jugement qui, statuant après expertise, l’avait débouté de ses demandes dans une instance en bornage l’opposant à M. Baret; que, le 9 juin 1989, la cour d’appel a ordonné une contre-expertise dont les opérations n’ont pas été menées à leur terme; que, par conclusions du 24 février 1997, M. Baret a soulevé la péremption de l’instance en invoquant le défaut de diligence des parties du 10 juin 1992 au 28 juin 1994;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche: (sans intérêt)
Mais, sur la deuxième branche du moyen:
Vu l’article 388 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que le juge, qui ne peut relever d’office la péremption, ne peut retenir un temps de péremption qui n’est pas invoqué par les parties;
Attendu que, pour dire périmée l’instance, la cour d’appel retient que, depuis le courrier du 28 juin 1994 par lequel le conseiller chargé du contrôle des expertises avait demandé à l’expert de dresser un rapport de carence, aucune des parties n’a accompli de diligences;
Qu’en statuant ainsi, alors que la demande de péremption était exclusivement fondée sur l’absence de diligences des parties du 10 juin 1992 au 28juin 1994, la cour d’appel a violé le texte susvisé;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre branche du moyen:
CASSE Et ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 septembre 1997, entre les parties, par la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.
N̊ 98-10.709. M. Carpin contre M. Daret. (Cass. 2è Civ. 13/01/2000 – Bull. 2000 II n̊ 7)

Les diligences demandées doivent émaner de la juridiction et non du greffe

 
 

E/ La caducité

 

L’absence non légitime du demandeur peut être sanctionnée par la caducité.
<>   C’est à bon droit que le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, qui constate que, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas, déclare la citation caduque. (Cass. Soc. 04/03/87 Bull. 87  V n̊100).
 
Devant le bureau de conciliation et d’orientation:
<>  L’article R. 1454-12 prévoit que si le demandeur ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d’un motif légitime, le bureau de conciliation et d’orientation peut déclarer la requête caduque (ou la citation, lorsqu’une assignation a été délivrée). La décision de caducité est, en application de l’article R. 1454-26, notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception. La caducité peut être rapportée dans les conditions de l’article 468 précité, c’est-à-dire « si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile ». Dans ce cas, le greffe avise par tous moyens le demandeur de la date de la nouvelle séance de conciliation. Le défendeur est quant à lui convoqué par lettre recommandée avec demande d’avis de réception .
 
Devant le bureau de jugement
<>  L’article R. 1454-21 prévoit que « Dans le cas où, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas devant le bureau de jugement, il est fait application de l’article 468 du code de procédure civile. Si après avoir été prononcée, la déclaration de caducité est rapportée, le demandeur est avisé par tous moyens de la date d’audience devant le bureau de jugement, à laquelle le défendeur est convoqué par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception. »
Est donc supprimée la règle antérieure selon laquelle, lorsque le bureau de jugement déclare la citation caduque, la demande peut être renouvelée une fois. Désormais, en cas de caducité, l’instance ne peut être reprise qu’à condition que le demandeur justifie d’un motif légitime d’absence justifiant que la déclaration de caducité soit rapportée.
 

Si le bureau de jugement déclare la demande et la citation caduques, le conseil de prud’hommes est dessaisi de l’affaire. L’instance s’éteint à titre principal.

La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de 15 jours le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile (article 468 du code de procédure civile).

La décision qui prononce la caducité peut être rapportée en cas d’erreur, par le juge qui l’a rendue (article 407 du code de procédure civile).

● C’est à bon droit que le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, qui constate que, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas, déclare la citation caduque. (Cass. Soc. 04/03/87 Bull. 87 V n̊100).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 4 mars 1987
Sur le moyen unique, pris de la violation des articles 406 et 468 du nouveau code de procédure civile et R. 516-6 du Code du travail;
Attendu que M. Arido, qui avait intenté une action devant le conseil de prud’hommes et qui n’avait pas comparu à l’audience de jugement, fait grief au jugement attaqué (conseil de prud’hommes de Bobigny, 5 décembre 1983) d’avoir déclaré la citation caduque alors, selon le pourvoi, que l’acte introductif d’instance n’est pas la convocation devant le bureau de jugement mais celle devant le bureau de conciliation et que c’est seulement devant le bureau de conciliation que la citation peut être déclarée caduque et alors que l’article 468 du nouveau code de procédure civile ne peut s’appliquer aux instances prud’homales en cours;
Mais attendu qu’ayant constaté que, sans motif légitime, le demandeur n’avait pas comparu, c’est à bon droit que le bureau de jugement a déclaré la citation caduque;
Que le moyen n’est pas fondé;
PAR CES MOTIFS:
REJETTE le pourvoi.
N̊ 84-42.859. M. Arido contre M. Guyard. (Cass. Soc. 04/03/87 Bull. 87 V n̊100).

L’absence du demandeur à l’audience de renvoi ne constitue pas une cause de caducité

● La cour d’appel qui a relevé qu’à la suite de l’acte introductif d’instance, le demandeur avait initialement comparu devant le bureau de conciliation, puis le bureau de jugement, a exactement retenu que sa non-comparution à l’audience ultérieure à laquelle les débats sur le fond ont été renvoyés ne constituait pas une cause de caducité de la citation. Ensuite la cour d’appel a exactement décidé que l’infirmation du jugement de déclaration de caducité entraînait, par voie de conséquence nécessaire, celle du jugement refusant de rapporter cette déclaration (Cass. soc., 13 janv. 1999 ; SA Sefimeg et a. c/ Gontier : Juris-Data n̊ 000096. pourvoi n̊ Y 96-45.301 c/ CA Paris, 25 sept. 1996 JCP 1999 / n̊ 8 / IV/ 1416 & Cass.Soc. 13/01/99 – Bull. 99 – V n̊21).

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 13 janvier 1999
Sur le moyen unique:
Attendu, selon la procédure, que dans l’instance introduite par M. Gontier à l’encontre des sociétés Sefimeg et Sagi, le conseil de prud’hommes a, par jugement contradictoire, rejeté l’exception d’incompétence soulevée par ces sociétés et renvoyé les débats sur le fond à une audience ultérieure; que M. Gontier n’ayant pas comparu à l’audience de renvoi, le conseil de prud’hommes a déclaré la citation caduque en application de l’article 468 du nouveau Code de procédure civile, puis a rejeté la demande ultérieurement présentée par l’intéressé pour faire rapporter la déclaration de caducité;
Attendu que les sociétés Sefimeg et Sagi font grief à l’arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 1996) d’avoir décidé que l’instance n’était pas éteinte et renvoyé les parties à la poursuivre devant le conseil de prud’hommes, alors, selon le moyen, que, de première part, lorsque le demandeur ne comparaît pas sans motif légitime, le juge peut, même d’office, déclarer la citation caduque; qu’en décidant que, dans la mesure où M. Gontier était présent lors de la tentative de conciliation et à l’audience du bureau de jugement le 26 septembre 1994, le juge ne pouvait pas déclarer la citation de M. Gontier caduque en constatant son absence sans motif légitime à l’audience devant le bureau de jugement le 9 mars 1995, la cour d’appel a violé l’article 468 du nouveau Code de procédure civile et l’article R. 516-16 du Code du travail; alors que, de deuxième part, le défaut de comparution n’est pas assimilable au défaut de diligence; qu’en soulignant que les défenderesses n’avaient pas demandé l’application de l’article 469, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile pour déclarer non éteinte la citation de M. Gontier qui n avait, sans motif légitime, pas comparu devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, la cour d’appel a violé l’article 469 du nouveau Code de procédure civile; alors que, de troisième part, la déclaration de caducité ne peut être rapportée que si le demandeur fait connaître au greffe, dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’avait pas été en mesure d’invoquer en temps utile; qu’en ne relevant pas que M. Gontier avait fait connaître, dans les quinze jours qui ont précédé le jugement de déclaration de caducité, le moindre motif légitime pour néanmoins décider que la citation de M. Gontier ne devait pas être éteinte, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision et a violé l’article 468 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel, qui a relevé qu’à la suite de l’acte introductif d’instance, le demandeur avait initialement comparu devant le bureau de conciliation, puis le bureau de jugement, a exactement retenu que sa non-comparution à l’audience ultérieure à laquelle les débats sur le fond ont été renvoyés ne constituait pas une cause de caducité de la citation; qu’elle a ainsi, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche du moyen, légalement justifié sa décision;
Attendu, ensuite, que la cour d’appel a exactement décidé que l’infirmation du jugement de déclaration de caducité entraînait, par voie de conséquence nécessaire, celle du jugement refusant de rapporter cette déclaration; d’où il suit que, pris en sa troisième branche, le moyen ne peut être accueilli;
PAR CES MOTIFS:
REJETTE le pourvoi.
n̊ 96-45.301. Société Sefimeg et autre contre M. Gontier. (Cass.Soc. 13/01/99 – Bull. 99 – V n̊21)
).

fin du chapitre 6

 

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