MPPP.Ch.6S.2FNR

 

 

Section 2

 

LES FINS DE NON-RECEVOIR

 

 

I/ DÉFINITION

 

La fin de non-recevoir est un moyen de défense par lequel le défendeur, sans contester directement le droit allégué par le demandeur, soutient que le conseil de prud’hommes n’a pas le pouvoir d’examiner la demande parce qu’elle est irrecevable, Elle se distingue de la défense au fond en ce qu’elle se limite à la recevabilité sans discuter le bien fondé de la demande. Constitue une fin de non- recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir.

 

L’article 122 du code de procédure civile cite comme fin de non-recevoir :

– le défaut de qualité

– le défaut d’intérêt

– la prescription

– le délai préfix

– la chose jugée.

 

● Le moyen de défense tiré de l’article R1452-6 (ex art.R. 516-1) du code du travail selon lequel toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l’objet d’une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne se soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes, s’analyse, non en une exception de procédure, régie par les dispositions de l’alinéa ler de l’article 74 du code de procédure civile, mais en une fin de non-recevoir qui, en application de l’article 123 du même code, peut être proposée en tout état de cause.(Cass. Soc. 19/11/86 – Bull. 86 V n̊ 537).

 

Arrêt de la Chambre sociale de la cour de cassation du 19 novembre 1986
Sur le premier moyen :
Vu les articles R. 516-1 du code du travail, 74, alinéa ler, et 123 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que MM. Descoutures et Petitjean, licenciés à la suite du règlement judiciaire, ultérieurement converti en liquidation des biens, de la société Etablissements Lauvergnat, leur employeur, ont saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement d’indemnités consécutives à la rupture de leur contrat de travail ; qu’un jugement du conseil de prud’hommes y a partiellement fait droit :
Attendu que l’arrêt attaqué a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes qui avait déclaré recevables de nouvelles demandes de ces salariés, relatives aux mêmes contrats de travail, au motif que le moyen de défense soulevé par le syndic pour la première fois devant la cour d’appel et tiré de l’alinéa ler de l’article R. 516-1 du code du travail, constitue une exception de procédure qui doit, en application de l’alinéa ler de l’article 74 du nouveau code de procédure civile, être soulevée, à peine d’irrecevabilité, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir;
Attendu cependant que l’alinéa ler de l’article R. 516-1 du code du travail prescrit que toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l’objet d’une seule instance, à moins que, ce qui n’était pas le cas en la cause, le fondement des prétentions ne soit né ou ne se soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes, et que le moyen de défense tiré de ce texte par le syndic de la société s’analysait, non en une exception de procédure, régie par les dispositions de l’alinéa ler de l’article 74 du nouveau code de procédure civile, mais en une fin de non-recevoir qui, en application de l’article 123 du même code, peut être proposée en tout état de cause, et par conséquent pour la première fois devant la cour d’appel ;
D’où il suit qu’en statuant comme elle l’a fait, cette juridiction a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE l’arrêt rendu le 5 octobre 1984, entre les parties, par la cour d’appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Orléans.
N̊ 84-45.404. M. Rodde, syndic à la liquidation de biens des Etablissements Lauvergnat contre M. Descoutures et autre.
(Cass. Soc. 19/11/86 – Bull. 86 V n̊ 537).

 

● Le moyen de défense tiré des dispositions de l’article R. 516.1 du code du travail constitue une fin de non-recevoir qui aux termes de l’article L. 123 du code de procédure civile peut être proposée en tout état de cause. (Cass. Soc. 23/04/86 – Bull. 86 V n̊ 167).

 

Arrêt de la Chambre sociale de la cour de cassation du 23 avril 1986
Sur le premier moyen :
Vu l’article R. 516-1 du Code du travail ;
Attendu que l’arrêt attaqué a écarté l’irrecevabilité tirée de l’article R. 516-1 du code du travail d’une demande en rappel de salaires formée contre M. Morizot par M. Gonzalès et seize autres personnes à son service, et fondée sur des faits antérieurs à une autre instance, aux motifs que cette irrecevabilité qui n’avait été soulevée que par conclusions après expertise ne l’avait pas été in limine litis;
Attendu cependant que le moyen de défense tiré des dispositions de l’article R. 516-1 du Code du travail constitue une fin de non-recevoir qui aux termes de l’article L. 123 du nouveau
Code de procédure civile pouvait être proposée en tout état de cause ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors que M. Morizot pouvait soulever cette fin de non-recevoir pour la première fois devant la Cour d’appel, celle-ci a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen,
CASSE et ANNULE l’arrêt rendu le 11 janvier 1983 entre les parties, par la Cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant
ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Besançon.
N̊83-41.517. M. Morizot contre M. Gonzalez et autres
Président : M. Bertaud, Conseiller doyen faisant fonctions. -Rapporteur : Mlle Calon. – Avocat général : M. Ecoutin. -Avocats: M. Luc-Thaler et la Société civile professionnelle Nicolas, Massé-Dessen et Georges.
(Cass. Soc. 23/04/86 – Bull. 86 V n̊ 167).

 

● Selon l’article R1452-6 (ex art.R. 516-1) du code du travail, toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l’objet d’une seule instance à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes. Encourt la cassation le jugement qui déclare irrecevable la demande présentée par une partie qui s’était précédemment désistée d’une autre demande, alors que le moyen tiré de l’article précité dont les dispositions ne sont pas d’ordre public ne pouvait être soulevé d’office. (Cass. Soc. 14/10/87 – Bull. 87 V n̊ 562).

 

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 14 octobre 1987
Sur le moyen unique:
Vu l’article R. 516-1 du code du travail;
Attendu qu’aux termes de ce texte toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l’objet d’une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne se soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes;
Attendu que, selon la procédure, M. Yuce, qui avait saisi la juridiction prud’homale pour obtenir paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, s’est désisté de cette demande le 30 mai 1983 ; que, le 7 septembre 1984, il a introduit devant cette même juridiction une demande en paiement d’une somme au titre des congés payés de l’année 1982;
Attendu que pour déclarer cette dernière demande irrecevable, le jugement attaqué a retenu que le salarié s’était désisté de la première;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne pouvait soulever d’office le moyen tiré de l’article R. 516-1 du code du travail, dont les dispositions ne sont pas d’ordre public, le conseil de prud’hommes a violé ce texte
PAR CES MOTIFS:
CASSE ET ANNULE le jugement rendu le 17 janvier 1985, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Sarreguemines ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit. les renvoie devant le conseil de prud’hommes de Metz.
N̊85-41.860 M. Yuce contre M. Schmitt (Cass. Soc. 14/10/87 – Bull. 87 V n̊ 562).

 

● C’est à bon droit que la fin de non recevoir proposée par le défendeur a été admise sans examen au fond à une nouvelle demande an paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive après un abandon d’une demande an annulation de la rupture de son contrat de travail et an paiement d’une indemnité de préavis dès lors que la demandeur, qui avait mis fin à une instance relative à la rupture de son contrat de travail en se conciliant, était irrecevable à introduire une seconde instance dérivant du même contrat antre les mêmes parties (Cass.Soc. 16/12/76 – Cah.Prud’homaux. n̊7 de 1977 p.131).

 

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 16 décembre 1976
LA COUR:
Sur le moyen unique, pris de la violation de l’article R. 516-1 du Code du travail;
Attendu que Philippe Delignières, âgé de 17 ans, comme étant né le 5 avril 1957, au service de la Société Bricard depuis le 13 novembre 1973, comme aide-régleur de machine, a saisi le Conseil de Prud’hommes le 30 octobre 1974 d’une demande en annulation de la rupture de son contrat notifiée par son employeur le 24 octobre 1974, et en paiement d’une indemnité de préavis qu’assisté de son père, il a abandonné cette demande le 18 novembre 1974 à l’audience de conciliation, ce qui, a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal signé par Philippe Delignières et par son père ; qu’il a saisi, le 14 avril 1975, la même juridiction d’une nouvelle demande en paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive; qu’il fait grief au jugement attaqué d’avoir admis la fin de non recevoir proposée par l’employeur, sans examen au fond de l’affaire, bien qu’il n’eût pas compris la portée du procès verbal de conciliation;
Mais attendu que toutes les actions dérivant du contrat de travail doivent taire l’objet d’une seule instance; que Delignières qui avait mis fin à une instance relative à la rupture de son contrat de travail en se conciliant, le 18 novembre 1974, était irrecevable à introduire une seconde instance dérivant du même contrat entre les mêmes parties ; que le moyen nouveau tiré de l’existence d’un vice du consentement, ne peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de Cassation;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli;
PAR CES MOTIFS
Rejette le Pourvoi formé Contre le jugement rendu le 30 juin 1975 par le Conseil de Prud’hommes de Friville-Escarbotin. – Delignières c/ S.A. Bricard (Cass.Soc. 16/12/76 – Cah.Prud’homaux. n̊7 de 1977 p.131)

 

 

L’irrecevabilité de l’action en justice constitue une fin de non recevoir

 

● Aux termes de l’article 53 du code de procédure civile, la demande initiale en justice en matière contentieuse est celle par laquelle un plaideur prend l’initiative d’un procès en soumettant au juge ses prétentions.

L ‘énoncé, dans la saisine d’un conseil de prud’hommes, des termes: « litige entre licenciement et démission », ne constitue pas une prétention, l’action ainsi intentée étant, dès lors, irrecevable. (Cass. Soc. 10/07/96 – Bull. 96 V n̊ 279).

 

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 10 juillet 1996
Sur le moyen relevé d’office:
Vu l’article 53 du nouveau code de procédure civile;
Attendu que, selon ce texte, la demande initiale en justice en matière contentieuse est celle par laquelle un plaideur prend l’initiative d’un procès en soumettant au juge ses prétentions;
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. Parmantier, engagé le 14 mars 1991 par la société Maillart en qualité de pâtissier-charcutier-traiteur, a refusé d’aller travailler dans les nouveaux locaux de l’entreprise sis à 3 km des anciens locaux, et a saisi le conseil de prud’hommes en ces termes : « litige entre licenciement et démission »;
Attendu que cet énoncé ne constitue pas une prétention; que, dès lors, l’action intentée devant le conseil de prud’hommes était irrecevable;
Et attendu qu’il y a lieu de faire application de l’article 627, alinéa 1er, du nouveau code de procédure civile, la cassation encourue n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond;
PAR CES MOTIFS:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 novembre 1992, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Reims;
DIT n’y avoir lieu à renvoi;
DECLARE IRRECEVABLE la demande en justice présentée par M. Parmantier.
N̊ 93-40.392. M. Parmantier contre société Maillart. (Cass. Soc. 10/07/96 – Bull. 96 V n̊ 279).

 

● L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’ à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a tranché dans son dispositif. Doit dès lors être censuré l’arrêt qui pour déclarer irrecevable en vertu de l’autorité de la chose jugée une demande nouvelle, se fonde sur une décision qui, sans trancher le litige entre les parties, ne faisait que se prononcer sur une exception de procédure. (Cass. 4ème Chambre 09/07/85 – Bull. 85 IV n̊ 206).

 

Arrêt de la 4ème chambre de la cour de cassation du 9 juillet 1985
Sur le moyen unique Vu l’article 1351 du Code civil;
Attendu que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Vermorel-Gaudet (la société Vermorel) a été mise en règlement judiciaire sans avoir payé diverses marchandises livrées par la société Établissements Raphaël Michel (la société Michel); que cette dernière excipant d’une clause de réserve de propriété, a assigné en revendication de ces marchandises ou de leur prix, devant le Tribunal de commerce de Carpentras, la société Vermorel et le syndic, lesquels ont soulevé l’incompétence territoriale de cette juridiction; que le Tribunal s’étant cependant déclaré compétent, ceux-ci ont formé contredit en invoquant la compétence du Tribunal de commerce de Villefranche-sur-Saône; que, par arrêt du 13 mai 1981, la Cour d’appel de Nîmes, se fondant sur la suspension des poursuites individuelles, « déclare irrecevables les actions intentées par la société Michel, renvoie cette société à se pourvoir devant le syndic du règlement judiciaire de la société Vermorel »; que la société Michel a ensuite assigné, aux mêmes fins, cette dernière et le syndic devant le Tribunal de Villefranche-sur-Saône qui avait ouvert la procédure collective;
Attendu que les premiers juges ayant accueilli cette nouvelle demande, l’arrêt infirmatif « constate » que elle-ci « est irrecevable en vertu de l’autorité de la chose jugée s’attachant à arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 13 mai 1981, qui a définitivement tranché le litige entre les parties »;
Attendu qu’en se prononçant ainsi, alors que l’arrêt du 13 mai 1981, statuant sur contredit d’un jugement relatif à la compétence, n’a fait que se prononcer sur cette exception de procédure sans trancher le litige entre les parties, de sorte que l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’à la décision sur la compétence, la Cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE l’arrêt rendu entre les parties le 19 janvier 1984 par la Cour d’appel de Lyon; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Dijon
n̊84-12.061 (Cass. 4ème Civ 09/07/85 – Bull. 85 IV n̊ 206).

 

● Le défaut de saisine régulière d’un tribunal ne constitue pas un vice de forme, mais une fin de non-recevoir, et celui qui l’invoque n’a pas à justifier d’un grief. (Cass. 2ème Civ. – 6 janvier 2011. N̊ 09-72.506 BICC 741 n̊546).

 

 

II/ MISE EN OEUVRE

 

Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts celui qui serait abstenu, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt (article 123 du code de procédure civile ).

 

Les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse (article 124 du code de procédure civile ), Les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours. La méconnaissance du principe de l’unicité de l’instance prud’homale constitue une fin de non-recevoir.

 

● Les juges du fond ne peuvent relever d’office le moyen d’irrecevabilité tiré de l’article R.516.1 du code du travail (relatif à l’unicité de l’instance) dès lors que la partie défenderesse ne s’en était pas prévalue avant la mise en délibéré de l’affaire (Cass. Soc. 20 juin 1990).

 

● Il appartient à celui qui soutient qu’un recours est irrecevable comme tardif de rapporter la preuve de l’inobservation des délais dans lesquels le recours doit être exercé (Cass.Soc 02/02/95 – Bull. 95 – V – n̊ 51).

 

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