MPPP Ch.3 Sect.8 – AUDIENCE DU BUREAU DE JUGEMENT

 

Section 8

 

AUDIENCE DU BUREAU DE JUGEMENT (généralités)

 

 

Le président dirige les débats. Il donne la parole au rapporteur dans le cas ou un rapport doit être fait (article 440 alinéa 1 du code de procédure civile). Le demandeur, puis le défendeur, sont invités à exposer leurs prétentions. Les parties peuvent consigner leurs observations dans des notes rédigées sur papier libre (article R1453-4 ex art.R.516.7 du code du travail). La possibilité pour les parties d’exposer leur point de vue, par une note explicative qui s’apparente à un récit qui se ferait de vive voix et non plus sous la forme d' »attendus », a pour but de faciliter le débat. Cependant cette possibilité n’interdit pas aux praticiens (avoués ou avocats) de présenter au conseil de prud’hommes de véritables conclusions.

 

Le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu’ils estiment nécessaires, à préciser ce qui parait obscur (article 442 du code de procédure civile). Lorsque la juridiction s’ estime éclairée, le président fait cesser les plaidoiries ou les observations présentées par les parties pour leur défense (article 440 alinéa 3 du code de procédure civile).

 

Le président peut ordonner la réouverture des débats.

Il doit le faire à chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avait été demandées (article 444 alinéa 1 du code de procédure civile). Cf infra section 16.

 

I / IRRECEVABILITÉ DE LA CITATION DIRECTE PAR HUISSIER

 

●La saisine exceptionnelle par assignation ne peut être étendue à la saisine directe du bureau de jugement, la procédure de convocation devant le bureau de jugement étant régie par les dispositions

de l’article R. 516-26 du code du travail qui ne prévoit que la convocation par le greffe par lettre recommandée avec avis de réception. (Cahiers Prud’homaux n̊6 de . 1996 p.91).

 

● Dés lors que le code du travail, dans son article R. 516-26 [ art.R1454-19 &20] , prévoit des dispositions spécifiques en matière de convocation devant le conseil de prud’hommes statuant en bureau de jugement, il ne peut être fait application de l’article 54 du nouveau code de procédure civile.

La saisine directe du bureau de jugement par voie d’huissier est irrégulière, ainsi, le conseil de prud’hommes n’a pas été valablement saisi, la décision rendue subséquemment est entachée de nullité. (Cour d’appel de Paris 18e Ch 04/11/97- Cah.Prud’homaux 1998 n̊1 p.3).

 

Arrêt de la 18ème chambre de la cour d’appel de Paris du 4 novembre 1997
Statuant sur l’appel régulièrement interjeté par la Caisse d’Epargne d’île-de-France du jugement du 12 avril 1995, auquel il est renvoyé pour l’exposé des éléments du litige à cette date, par lequel le Conseil de Prud’hommes de Paris, section commerce, a rejeté l’exception soulevée, a déclaré la citation recevable, et a requalifié le contrat à durée déterminée de Robert Oliveira en contrat à durée indéterminée, enfin a condamné la Caisse à payer à ce dernier la somme de 500 F en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile;
L appelante demande à la Cour d’infirmer le jugement déféré, ainsi de dire irrecevable la citation faite par exploit d’huissier du 23 mars 1995, de dire que Robert Oliveira n’a pas valablement saisi le Conseil de Prud’hommes, et en conséquence de déclarer nul le jugement rendu par cette juridiction et subsidiairement, au fond, de débouter Robert Oliveira de sa demande de requalification;
L’intimé, assisté par Madame Catherine Vinet-Larie, salariée de la même entreprise, prie la Cour de confirmer la décision entreprise et de condamner la Caisse d’épargne île-de-France à lui payer la somme de 3 000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile pour les trais exposés devant la Cour;
CECI ÉTANT EXPOSE:
Considérant que Robert Oliveira a été engagé par la Caisse d’Epargne Île-de-France suivant contrat à durée déterminée, motif pris du remplacement d’une salariée absente; que le contrat a été renouvelé plusieurs fois jusqu’en janvier 1995;
SUR L’EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ:
Considérant que la Caisse d’Epargne Ile-de-France soutient que c’est par assignation d’huissier datée du 23 mars 1995, qu’elle a été convoquée devant le bureau de jugement du 12 avril 1995; que cette saisine est irrégulière en la forme, car l’article R. 516-26 du code du travail dispose que les parties sont convoquées devant le bureau de jugement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, adressée par le secrétariat greffe; que dans ces conditions, l’instance au fond ne peut être valablement engagée par la délivrance d’une assignation en lieu et place des modalités prévues par la loi, qui font exception en droit du travail aux dispositions du nouveau code de procédure civile; alors même que la particularité d’absence d’audience de conciliation en cas de demande de requalification d’un contrat à durée déterminée, n’autorise pas le recours à l’assignation pour saisir le bureau de jugement; que la saisine exceptionnelle par assignation du bureau de conciliation ne peut être étendue à la saisine directe du bureau de jugement en dehors du cas prévu par la loi; qu’ainsi, la décision rendue par le Conseil de Prud’hommes est nulle;
Considérant que pour s’opposer à l’exception, Robert Oliveira soutient que le nouveau code de procédure civile s’applique à toutes les juridictions, alors même que selon les termes de son article 114, il n’existe pas de nullité sans texte; que l’articulation entre le nouveau code de procédure civile, s’agissant notamment de ses articles 54 et 651, et le code du travail n’exclut pas la saisine du bureau de jugement par voie d’huissier, en application des règles de droit commun; que le mode de convocation prescrit par l’article R. 516-26 du code du travail n’est qu’une facilité pécuniaire offerte aux justiciables; et qu’aucune nullité ne sanctionne son inobservation; qu’en l’espèce, les prescriptions de cet article ont été respectées, s’agissant des nom et qualité des parties, du jour et de l’heure de l’audience, et des points en litige; outre le fait qu’étaient joints à l’assignation les cotes de plaidoiries et toutes pièces nécessaires permettant de respecter le principe du contradictoire; que la Caisse n’allègue aucun grief que lui aurait causé le mode de saisine choisi par le salarié;
SUR QUOI, LA COUR:
Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article R. 51 6-0 du code du travail que la procédure devant les juridictions prud’homales est régie par les dispositions du livre 1 er du Nouveau code de procédure civile sous réserve des dispositions du code du travail; qu’il s’ensuit que dès lors que le code du travail prévoit des dispositions spécifiques, celles-ci dérogent à celles correspondantes du nouveau code de procédure civile;
Qu’en l’espèce, l’article R. 516-26 du code du travail prévoit des dispositions spécifiques en matière de convocation devant le conseil de prud’hommes statuant en bureau de jugement, savoir par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par le secrétariat greffe de la juridiction prud’homale qui envoie le même jour aux parties une copie de la convocation par lettre simple; que la saisine par voie d’assignation n’est pas prévue;
Que dès lors, il ne peut être fait application des dispositions de l’article 54 du nouveau code de procédure civile, celui-ci réservant précisément le cas de l’introduction de l’instance par déclaration au secrétariat de la juridiction; pas plus que celles de l’article 651 du même code, la possibilité de notification par voie de signification «alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme» concernant essentiellement les actes extra judiciaires; pas plus enfin que de celles de l’article 114 du nouveau code de procédure civile, du fait de l’existence d’une règle particulière du code du travail dérogatoire au nouveau code de procédure civile;
Que de surcroît, comme le relève justement l’appelante, la particularité d’absence d’audience devant le bureau de conciliation, en cas de demande de requalification d’un contrat à durée déterminée, n’autorise pas plus le recours à l’assignation pour saisir le bureau de jugement, car la saisine par assignation devant le bureau de conciliation est exceptionnelle, dés lors qu’elle n’est prévue que dans le cas où le défendeur n’a pas été joint par une première convocation; qu’ainsi, elle ne saurait être étendue à la saisine, de surcroît directe, du bureau de jugement en dehors du cas prévu par la loi pour le bureau de conciliation;
Qu’il s’ensuit que la saisine du bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Bobigny, le 12 avril 1995, par voie d’exploit d’huissier délivré le 23 mars 1995, est irrégulière ; qu’ainsi, Robert Oliveira n’a pas valablement saisi le conseil de prud’hommes; que la décision rendue subséquemment est entachée de nullité;
Que le jugement qui a rejeté l’exception soulevée, sera infirmé;
PAR CES MOTIFS:
Reçoit la Caisse d’Epargne Île-de-France en son appel et en son exception d’irrecevabilité;
La déclare fondée en cette exception;
Infirme le jugement entrepris;
Et statuant à nouveau;
Vu les dispositions des articles R. 516-0 et 516-26 du code du travail;
Dit que Robert Oliveira n’a pas valablement saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny par l’assignation délivrée suivant exploit d’huissier en date du 23 mars 1995;
Déclare nul le jugement du 12 avril 1995;
Laisse les dépens à la charge de Robert Oliveira.
CAISSE D’ÉPARGNE îLE-DE-FRANCE ç/ M. OLIVEIRA LA COUR:
(Cour d’appel de Paris 18ème chambre, section D 04/11/97- Cah.Prud’homaux 1998 n̊1 p.3).

 

 

II / POUVOIRS DU BUREAU DE JUGEMENT

 

Le bureau de jugement examine et tranche le litige au principal, c’est à dire dans son intégralité.

Si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, il peut ordonner:

– soit le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure:

– soit une mesure d’instruction (audition de témoin, expertise, nomination de conseillers rapporteurs, production de pièces a peine d’astreinte, etc.); soit un jugement avant dire droit;

Le jugement qui tranche le litige met fin à l’instance et dessaisit le conseil de prud’hommes.

 

 

III / COSTUME D’AUDIENCE

 

Les conseillers doivent porter aux audiences une médaille .

La médaille est en bronze doré pour le président et en bronze argenté pour les autres conseillers. Elle est suspendue à un ruban divise dans le sens vertical en deux parties égales, rouge et bleue.

 

L’article D1442-25 du nouveau code du travail (ex article 512-12) dispose “Les membres du conseil de prud’hommes portent, soit à l’audience, soit dans les cérémonies publiques, suspendue à un ruban, en sautoir, une médaille signe de leurs fonctions. Cette médaille est en bronze doré pour le président du conseil de prud’hommes et, à l’audience, pour le président du bureau de jugement. Elle est en bronze argenté pour les autres conseillers. D’un module de 65 mm, elle porte à l’avers la mention République française et une tête symbolisant la République, placée de profil, tournée à droite.

La médaille est suspendue à un ruban d’une largeur de 75 mm au moyen d’une attache d’une largeur de 75 mm portant un rameau d’olivier. Ce ruban est divisé dans le sens vertical en deux parties égales, rouge et bleue”.

 

Les greffiers des conseils de prud’hommes ne portent aucun costume d’audience alors que leurs collègues des cours et tribunaux portent la robe.

 

 

IV / LIBERTÉ DE PLAIDOIRIE

 

Les parties peuvent s’exprimer librement à l’audience à condition d’avoir une attitude digne et que les débats aient lieu en français.

 

Nécessité d’utiliser la langue française lors des débats

● Les débats prud’homaux doivent avoir lieu en langue française. L’exigence de la compréhension des débats en langue française concerne à la fois les magistrats, les autres parties et leurs défenseurs, ainsi que les tiers assistant aux débats d’une audience publique.

La comparution ne s’entend que par la prise de parole en langue française d’une personne habilitée à représenter ou à assister une partie. (Cour d’appel de Chambéry – Ch.Soc. 16/10/89 – Cah.Prud’homaux n̊3 – 1991 p.33) – Cf décision Chapitre 7 p.459.

 

Arrêt de la Chambre sociale de la Cour d’appel de Chambéry du 16 octobre 1989
LA COUR:
Statuant sur l’appel interjeté le 21juillet1988 par Monsieur CAULMILONE Georges d’un jugement du Conseil de Prud’hommes d’ANNEMASSE en date du 10 décembre 1987, lequel a condamné la Société des Transports DESCOMBES à lui payer la somme de 1 580,80 Francs a titre de rappel de prime d’ancienneté et l’a débouté du surplus de sa demande concernant le paiement de rappels d’heures supplémentaires, d’indemnités de repos compensateur et de congés payés et de remboursement de frais;
Vu ledit jugement en son exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties;
Attendu que Monsieur CAULMILONE est assisté à l’audience par Monsieur BUGUENO-CORTES Pedro, délégué syndicat, lequel développe oralement les conclusions écrites au nom de son mandant;
Attendu que la Cour constate, et atteste en tant que de besoin, que l’assistant de l’appelant s’exprime avec beaucoup de difficultés dans la langue française en sorte qu’il est impossible de comprendre normalement ses explications verbales;
Attendu qu’il ressort des principes généraux de la procédure judiciaire que les débats doivent avoir lieu en langue française, l’intervention d’un interprète n’étant possible que pour faire le truchement d’une partie mais non de son conseil ou de son représentant; que l’exigence de la compréhension des débats en langue française concerne à la fois les magistrats appelés à juger l’affaire, les autres parties et leurs défenseurs appelés à pouvoir répliquer et exercer leur contrôle ainsi que les tiers assistant aux débats d’une audience publique;
Attendu au surplus qu’en matière prud’homale, la procédure étant orale et le dépôt de conclusions ne pouvant suppléer au défaut de comparution, cette comparution ne s’entend que par la prise de parole en langue française d’une personne habilitée à représenter ou à assister une partie;
Attendu qu’en conséquence la Cour dit que Monsieur BUGUENO-CORTES n’est pas apte à assister Monsieur CAULMILONE à l’audience en sorte que, afin de préserver les droits de cet appelant, l’affaire sera renvoyée pour être plaidée à l’audience du 15 janvier 1990.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, Tous droits et moyens des parties étant réservés;
Dit que Monsieur BUGUENO-CORTES, délégué syndical, n’est pas apte à assister Monsieur CAULMILONE.
RENVOIE l’affaire à l’audience du lundi 15 janvier 1990 à14 heures.
M. CAULMILONE c/SARL DESCOMBES (Cour d’appel de Chambéry – Ch.Soc. 16/10/89 – Cah.Prud’homaux n̊3 – 1991 p.33).

 

● Le juge est fondé à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère faute de production d’une traduction en langue française. (Cass. soc., 1er avr. 2008, n 06-46.027 D Semaine Soc.Lamy n̊ 1349 ).

 

La plaidoirie ne doit pas contenir de propos portant atteinte à l’honneur de l’adversaire

● Dès lors que dans ses moyens de défense lors d’une instance judiciaire, un employeur formule, à l’encontre d’une salariée, et ce sans aucun fondement, des accusations ayant porté atteinte à son honneur, il abuse de son droit de se défendre et l’intéressée doit alors se voir accorder une indemnité réparant le préjudice subi (Cass. soc., 6 /02/02, n̊ 99-45.236, n̊ 526 F-D – Jurisprud..Soc.Lamy n̊97 p.26).

 

Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 6 février 2002
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Codan France, société à responsabilité limitée, dont le siège est 2791, chemin de Saint-Bernard, 06220 Vallauris, en cassation d’un arrêt rendu le 22 juin 1999 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (9e chambre), au profit de Mme Sophie Rava, demeurant 28, avenue Malaussena, 06000 Nice, défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l’audience publique du 12 décembre 2001, où étaient présents : M. Chagny, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Lebée, conseiller référendaire rapporteur, M. Lanquetin, conseiller, M. Trassoudaine-Verger, Richard de la Tour, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lebée, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de la société Codan France, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme Rava, engagée le 2 septembre 1988 par la société Codan France en qualité de secrétaire commerciale, a été licenciée pour motif économique le 2 mai 1995, aux termes d’une lettre rédigée par son ex-époux, M. Manciet, directeur général de la société ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 juin 1999) d’avoir dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors que, selon le moyen :
1 / la rédaction même d’une lettre de licenciement peut être frauduleuse, indépendamment de la décision de rupture du contrat de travail et de toute plainte pénale à l’encontre du salarié licencié ; qu’en se bornant à relever, d’une part, que l’initiative du licenciement n’émanait pas de M. Manciet mais de la SARL Codan France qui avait invité celui-ci à procéder au licenciement: de Mme Rava, et d’autre part, qu’aucune plainte n’avait été déposée contre cette dernière, circonstances inopérantes pour écarter l’existence d’une fraude dans la rédaction de la lettre de licenciement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 122-14-2 du Code du travail et du principe « fraus omnia corrumpit » ;
2 / la fraude affectant un acte juridique justifie son annulation et non pas seulement une action en responsabilité contre son auteur ; que la cour d’appel a considéré à tort que le caractère frauduleux de la lettre de licenciement autorisait seulement l’employeur à engager la responsabilité contractuelle de M. Manciet, sans permettre de revenir sur les conséquences de l’absence de sa motivation ; qu’en statuant comme elle l’a fait, elle a violé l’article L. 122-14-2 du Code du travail et le principe « fraus omnia corrumpit »;
3 / dans ses conclusions, la SARL Codan France faisait valoir de nombreux éléments permettant de penser que M. Manciet avait cherché à procurer à Mme Rava des avantages indus au préjudice de la société ; qu’ainsi, elle indiquait en particulier que Mme Rava avait pu faire prendre en charge par l’entreprise des dépenses de réparation pour son automobile personnelle, qu’elle avait bénéficié du paiement d’une somme de 6 896,40 francs par chèque sans aucune trace dans la comptabilité de l’entreprise, qu’elle avait pu exercer une activité commerciale simultanément à son activité supposée au sein de l’entreprise, et qu’elle profitait des services d’une autre salariée de l’entreprise pour des besoins personnels, tous avantages que lui procurait M. Manciet ; qu’en se bornant à affirmer, sans se prononcer sur ces différents éléments qui étaient incontestablement de nature à démontrer que l’existence d’une collusion frauduleuse entre la salariée et le directeur général indélicat était possible quant à la rédaction de la lettre de licenciement, que l’existence d’une telle collusion n’était établie par aucune pièce versée aux débats, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 122–142 du Code du travail et du principe « fraus omnia corrumpit » ;
Mais attendu que la cour d’appel a relevé qu’aucune preuve de la collusion frauduleuse de la salariée avec l’auteur de la lettre de licenciement n’était rapportée ; que, sous couvert des griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour de Cassation les éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par les juges du fond ; qu’il ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir accordé à la salariée une indemnité en réparation de son préjudice moral, alors que, selon le moyen, si le comportement fautif de l’employeur au moment du licenciement peut justifier, en plus de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’allocation de dommages-intérêts, tel n’est pas le cas des moyens de défense présentés en justice par l’employeur ; qu’en condamnant la SARL Codan France au titre du préjudice moral qui serait résulté pour la salariée, non des circonstances ayant entouré le licenciement mais seulement des moyens de défense présentés par l’employeur, la cour d’appel a violé, par fausse application, les articles L. 122-14-2, L. 122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d’appel, qui a fait ressortir que l’employeur avait formulé à l’encontre de la salariée, sans aucun fondement, des accusations ayant porté atteinte, à son honneur, a pu décider qu’il avait abusé de son droit de se défendre et accorder à la salariée une indemnité réparant le préjudice ainsi subi; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Codan France aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Codan France à payer à Mme Rava la somme de 750 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille deux.
Cass. Soc. 06/02/02 N̊ de pourvoi : 99-45236
Décision attaquée : cour d’appel d’Aix-en-Provence (9e chambre) 1999-06-22

 

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